L'Indonésie en 1998
jeudi 8 janvier
La roupie a chuté de plus de 20 %. Pour endiguer la tourmente financière, le directeur du FMI est à Jakarta. L'armée est en pré-alerte, car des rumeurs de coup d'Etat circulent. L'Indonésie a aussi décidé de repousser ses achats de matériels militaires.
dimanche 11 janvier
Megawati Soekharoputri, fille du père de l'indépendance et figure de proue de l'opposition, appelle le président Suharto, soixante-seize ans, a s'écarter. Elle se dit elle-même prête à « devenir le leader de la nation ».
lundi 12 janvier
La fille aînée du président Suharto, coprésident du parti au pouvoir, a lancé un appel à la population, priée de venir échanger ses dollars contre des roupies afin de manifester une « attitude morale ». Quelles que soient les sommes recueillies, elles n'épongeront cependant pas la dette du pays, évaluée à plus de huit cents milliards de francs . En six mois, la roupie a perdu 75 % de sa valeur par rapport au dollar.
jeudi 15 janvier
L'Indonésie a accepté les exigences du FMI pour sauver son économie. Objectif : empêcher la crise asiatique de gangrener l'économie mondiale. Il y a urgence : les premiers mauvais signes sont là. Le FMI enfonce le clou. Le président Suharto a aussi accepté de rogner les énormes privilèges consentis à ses six enfants et à une ribambelle de neveux, cousins et oncles plus ou moins éloignés. Hutomo Mandala Putra, dit Tommy, le fils cadet de Suharto, perd le monopole du juteux commerce du fruit du giroflier. Privatisations ; abandon des cartels du ciment, du papier, du contreplaqué et de nombreuses denrées de nécessité (à l'exception du riz), chasse-gardées de la famille ; réduction des subventions aux carburants , suppression des fonds publics alloués à IPTN, l'avionneur local, etc.
mardi 20 janvier
Le vieux président Suharto est officiellement candidat pour un nouveau mandat de cinq ans, le septième. Il a accepté sa désignation par le parti au pouvoir. Sa réélection par l'Assemblée consultative du peuple n'est qu'une formalité, puisque les deux tiers des 1 000 membres sont désignés par le président lui-même.
mercredi 11 février
A Jakarta, la police est intervenue pour mettre fin à une manifestation : 140 arrestations.
jeudi 12 février
La crise financière prend un tour très social en Indonésie où l'envol des prix (40 % pour le riz, 70 % pour celui de l'huile) pousse la population à se venger sur la minorité chinoise, soutien et bénéficiaire du régime Suharto, qui domine les deux tiers de l'économie. A Java, la foule en colère a incendié plusieurs magasins de la localité de Jatiwangi. Le pouvoir demande aux autorités militaires de réactiver « l’appareil militaire de surveillance de la population ». Le président Suharto vient de placer le général Wiranto, un ancien aide de camp de Suharto, à la tête de l'armée tandis que son gendre, le général Subianto, a été nommé à la tête des forces stratégiques. Composées de 20 000 soldats d'élite, ces forces disposent des meilleurs équipements et passent pour être les mieux entraînées et les plus disciplinées.
vendredi 13 février
L'Indonésie a connu une journée de violence extrêmes, dont la première cible a été de nouveau la riche communauté chinoise. Les émeutiers, qui protestaient contre la flambée des prix, ont pillé ou incendié des magasins, des voitures et des maisons d'habitation dans quatre villes du pays : Losari, à deux cents kilomètres à l'est de Jakarta, Gebang, Pamanukan et Jatiwangi, dans l'ouest de Java.
samedi 14 février
Le président Suharto a choisi la manière forte. Des soldats de sa garde présidentielle ont commis des exactions gratuites, dans la soirée, dans le centre de Jakarta. Un militant de l'opposition politique a été très sévèrement molesté ; par ailleurs, le dirigeant de Siaga, un groupe d'intellectuels démocrates, est porté disparu depuis plusieurs jours. Dans l'île de la Sonde, l'armée a violemment répliqué aux émeutes : au moins cinq manifestants ont été tués et neuf autres blessés par balles. A Java, en revanche, la police a choisi de laissez-faire : des dizaines de personnes ont pillé impunément, dans la matinée, les boutiques des commerçants chinois.
Un bateau qui transportait une quarantaine de clandestins originaires d’Indonésie a sombré au large du port malaisien de Johore. On déplore huit morts et une trentaine de disparus.
lundi 16 février
La monnaie indonésienne a une nouvelle fois brutalement chuté, s'échangeant à 10 500 roupies pour un dollar, contre 8 000 le 13 février.
dimanche 1er mars
L'Assemblée consultative populaire, la plus haute instance de l'Indonésie, est réunie à Jakarta pour reconduire à l'unanimité le président Suharto pour un septième mandat de cinq ans à la tête du pays. Le processus est officiellement appelé élections, mais, pas plus que les six fois précédentes, le président en exercice n'aura à faire face à un vote formel.
du lundi 2 au mardi 3 mars
Plusieurs manifestations d'étudiants ont eu lieu dans certain nombre de villes universitaires d'Indonésie, pour exiger des réformes économiques et politiques, et notamment un « gouvernement non corrompu ».
vendredi 6 mars
Le FMI a annoncé que le versement d'une tranche d'aide d'environ dix-huit milliards de francs est suspendu parce que les autorités indonésiennes refusent d'appliquer, aujourd'hui, le programme de réformes qu'elles avaient pourtant acceptées le 15 janvier, en échange de quelque deux cents quarante milliards de francs.
mardi 10 mars
Le général-président Suharto a été « réélu » président de l'Indonésie, pour un septième mandat de cinq ans, par les 1 000 délégués de l'Assemblée consultative. Quelques heures après, la Banque mondiale a décidé de suspendre le versement d'une aide industrielle de six milliards de francs. La Banque asiatique pour le développement, le Japon et la plupart des bailleurs de fonds internationaux ont aussi fermé le robinet. Dans la rue, une fois encore, des étudiants manifestaient à Jakarta contre la corruption du régime et pour de profondes réformes économiques et politiques.
mercredi 11 mars
Des dizaines de milliers d'étudiants ont manifesté à travers l'Indonésie pour demander des réformes politiques, alors que le président Suharto prêtait serment. Les incidents les plus sérieux ont eu lieu à Surabaya, la capitale industrielle du pays, lorsque les forces de l'ordre sont intervenues brutalement contre quelque quatre cents étudiants qui tentaient de rejoindre un autre campus. Dans toutes les villes universitaires, la police, appuyée par des fusiliers marins et des soldats de l'infanterie, empêchent les étudiants (qui manifestent chaque jour depuis deux semaines) de quitter leur campus.
dimanche 15 mars
Le Premier ministre japonais, Ryutaro Hashimoto, est revenu bredouille d'Indonésie. Bien que le Japon soit le premier bailleur de fonds et le premier débiteur de l’Indonésie, la visite de Hashimoto n'a pas eu plus de succès que celle de Walter Mondale, envoyé spécial des Etats-Unis. Le président Suharto se refuse toujours à céder aux exigences du FMI.
mardi 17 mars
De nouveaux affrontements ont eut lieu entre les forces de l'ordre et des étudiants qui protestaient contre la politique du gouvernement et la composition du nouveau cabinet qui venait de prêter serment devant le président Suharto. Ces affrontements se sont produits dans plusieurs centres universitaires de Java. Ils ont fait au total vingt-huit blessés. Les Etats-Unis ont mis en garde les Américains désirant se rendre en Indonésie, « en raison d'une éventuelle augmentation de la tension et de la criminalité, conséquences de l'incertitude économique » que connaît le pays.
lundi 30 mars
Komis Santana, le chef de la guérilla de Timor-Est, est mort, victime d'un accident de montagne. Selon la radio du maquis, il aurait fait une chute dans un ravin. Le porte-parole de la résistance est-timoraise et prix Nobel de la paix, José Ramos-Horta, a confirmé l'information.
dimanche 5 avril
Les autorités indonésiennes ont suspendu les activités de sept banques et en ont placé sept autres sous tutelle en raison de leur « problème massif de liquidités » à la suite de la crise financière qui affecte l'Asie. Le gouvernement assure que les créanciers ne seront pas lésés.
lundi 6 avril
Dans la partie indonésienne de Bornéo, plus de 180 000 hectares de forêt ont été détruits par les incendies depuis le début de l'année.
mercredi 8 avril
Les négociations ont été difficiles, elles ont enfin abouti. Le FMI et l'Indonésie sont tombés d'accord sur les réformes à appliquer en échange de deux cents cinquante milliards de francs d'aide. Il était temps. Le riz manque dans les grandes villes.
samedi 2 mai
Les étudiants indonésiens ont multiplié les manifestations, depuis quelque temps, pour protester contre le manque de moyens mis à leur disposition afin de poursuivre leurs études. Celles d'aujourd'hui ont été les plus violentes qu'ait connues le pays depuis le début de la crise économique. Cette fois, les manifestations ont quitté les campus , relayées, à Suarbaya, par des chauffeurs de taxi et des passants. La police est intervenue avec une rare violence. Le président Suharto a demandé à son ministre de l'Education de « faire un effort » pour les étudiants, mais il a refusé toute réforme politique avant la fin de son mandat... dans cinq ans.
lundi 4 mai
Ministre de la Défense et commandant en chef de l'armée indonésienne, le général Wiranto a menacé les étudiants « d'actions sévères » s'ils persistent dans leurs « activités visant à créer l'anarchie ».
mardi 5 mai
Les manifestations des étudiants ont pris une nouvelle tournure à Medan (deux millions d'habitants, dans le nord de Sumatra), où la population s'est jointe au mouvement qui prend désormais des allures d'émeute. Les manifestants ont attaqué un poste de police, incendié des véhicules et pillé un centre commercial. Les forces de l'ordre ont fait usage de leurs armes. A Jakarta, où trois cents policiers ont tenté de contenir 5 000 étudiants, des balles en caoutchouc ont été tirées contre les manifestants. On a même vu quelques centaines d'ouvriers manifester devant le siège du syndicat officiel. La presse elle-même, pourtant très contrôlée, s'en prend maintenant aux « privilèges dont bénéficient les proches du Président ».
mercredi 6 mai
Les forces de l'ordre ont ouvert le feu à Medan. Un manifestant a été tué, et au moins deux autres blessés. Des centaines d'émeutiers pillaient les magasins du centre-ville.
jeudi 7 mai
Le général Wiranto, de retour de Medan, où trois jours d'émeutes auraient fait six morts et quatre-vingt blessés, a demandé, à Jakarta, aux étudiants de mettre un terme à leurs manifestations. Il les a assuré que l'armée était favorable à des réformes mais « graduellement et constitutionnellement ». Autrement dit : dans l'ordre.
vendredi 8 mai
A Solo (250 000 habitants dans le centre de Java), où les premiers incidents avaient éclaté en mars, de nouveaux affrontements entre étudiants et forces de l'ordre, pierres contre gaz lacrymogène et balles en caoutchouc, ont fait au moins soixante blessés. Un homme d'une quarantaine d'années a été tué à Yogyakarta après avoir été frappé par la police lors d'une manifestation. Et, à Jakarta, une effigie du président Suharto a été « jugée » pour meurtres, vols et corruption, reconnue coupable et brûlée sur un campus universitaire. Six personnes auraient été tuées cette semaine au cours des émeutes qui secouent le pays.
samedi 9 mai
Le président Suharto a quitté l'Indonésie pour une visite en Egypte, où il doit assister, au Caire, au sommet des pays en voie de développement.
Un officier de police a été tué lors d’une manifestation étudiante à l’université de Djuanda.
lundi 11 mai
Deux mouvements indonésiens influents ont lancé des appels séparés, à quelques heures d'intervalle, exigeant du président Suharto qu'il se retire de la vie publique. Le premier émane d'un groupe de personnalités, parmi lesquelles plusieurs anciens ministres, qui demandent l'annulation de l'élection de mars. Le second a été lancé par l'un des deux mouvements islamiques, la Muhammadiyah, qui revendique vingt-huit millions de membres.
mardi 12 mai
L'absence du président Suharto semble renforcer ceux qui exigent sa démission. Elle paraît aussi déstabiliser les forces de l'ordre qui, face à quelques 5 000 étudiants manifestant sur le campus de Jakarta et dans les quartiers environnants, ont ouvert le feu à balles réelles entre 17 et 20 h, faisant au moins six morts, dont quatre étudiants. La tension a monté lorsque les étudiants, qui voulaient marcher sur le Parlement, ont identifié un agent en civil dans leurs rangs.
mercredi 13 mai
La situation en Indonésie est devenue suffisamment alarmante pour que le président Suharto écourte son voyage en Egypte. Plus de 10 000 personnes se sont rassemblées sur le campus de l'université Trisatki, un établissement prestigieux de Jakarta, pour rendre hommage aux six étudiants tués la veille. Une fois de plus, la police a perdu son sang froid et ouvert le feu, faisant une nouvelle victime et plusieurs blessés. Les cérémonies de deuil ont alors dégénéré et l'émeute a gagné le cœur commercial et financier de la capitale où les forces de l'ordre ont acheminé des renforts par hélicoptère jusqu'à la nuit tombée. Fait nouveau : des accrochages se sont produits sur Jalan Thamarin, l'avenue du centre des affaires, bordée de tours de verre et d'acier, où se trouvent quelques uns des plus luxueux hôtels de la ville. On y a vu des employés jeter des pierres sur les camions militaires et des « cols blancs » refuser de s'écarter devant les soldats, qui ont dû tirer en l'air pour se dégager. Dans la soirée, nombreux sont les employés qui ont choisi de passer la nuit sur place, dans leurs bureaux. La contestation a également gagné les quartiers populaires où les dégâts matériels sont considérables. Des émeutes ont également secoué plusieurs autres villes, notamment Yogyakarta, à l'est de Java, et Bandoun, la ville de la technologie, à l'ouest. Officiellement, pourtant, les autorités considèrent qu'il ne se passe rien, qu'il « n'y a pas eu de morts »...
jeudi 14 mai
Une journée de chaos à Jakarta : les émeutes ont tourné au pillage dans les quartiers commerciaux et dans la ville. Plus de deux cents cinquante personnes ont trouvé la mort dans l'incendie de deux grands magasins et deux centres commerciaux. La plupart sont des jeunes gens, qui auraient été victimes de leur propre vandalisme. Les magasins d'appareils électroniques et électroménagers ont fourni un butin de choix à des milliers de pillards sous les yeux de soldats restant l'arme au pied. On a même vu des employés de la Bali Bank lancer des liasses de billets de 10 000, 20 000, 50 000 roupies aux manifestants pour les dissuader de prendre les locaux d'assaut. La foule n'a pas épargné la maison et le siège bancaire de l'homme le plus riche du pays, le Chinois Liem Sioe Liong, alias Salim Sudomo, l'un des plus anciens associés d'affaires du président Suharto. Selon certains témoins, alors que les policiers étaient systématiquement pris à partie, insultés, voire lapidés, par les émeutiers, les militaires, eux, étaient applaudis.
nuit du jeudi 14 au vendredi 15 mai
Le président Suharto est de retour en Indonésie.
vendredi 15 mai
Suharto a écarté toute idée de démission et exigé des forces de l'ordre qu'elles mettent un terme à tous les actes de violence. Il a aussi annoncé l'annulation des hausses de prix des carburants, mesure qui avait suscité la flambée de violence.
samedi 16 mai
Près de cinq cents personnes auraient trouvé la mort cette semaine à Jakarta. Ce chiffre a été communiqué par un porte-parole de l'armée. Le bilan final ne sera vraisemblablement jamais connu. Un calme relatif règne maintenant mais la tension était toujours présente. Les étrangers, occidentaux et asiatiques, continuent à fuir la capitale. Le président Suharto a réaffirmé vouloir se maintenir au pouvoir coûte que coûte, précisant qu'il ne reculerait pas devant le risque d'une confrontation, en recourant, s'il le faut, aux pleins pouvoirs. Le président a toutefois engagé la refonte du gouvernement.
dimanche 17 mai
Le calme semble être revenu avec le déploiement de l'armée à Jakarta. S'il est vrai qu'un certain nombre de généraux à la retraite ont appelé publiquement Suharto à se retire, aucun appel de ce genre n'est venu des rangs des officiers d'active. Les étrangers, qui n'ont pas confiance, continuent à fuir la capitale. La communauté japonaise, la plus nombreuse (20 000 personnes), va disposer, pendant trois jours, d'un véritable pont aérien avec onze vols spéciaux au départ de la capitale indonésienne.
lundi 18 mai
Le président du Parlement, M. Harmoko, a révélé que les quatre partis représentés au Parlement allaient se réunir le 19 mai afin « d'exhorter Suharto a démissionner pour l'intégrité et l'unité de la nation ». Dans l'après-midi, le général Wiranto, ministre de la Défense et chef des forces armées, a déclaré à la presse que l'appel du Parlement n'avait « pas de base légale ». Il a également expliqué que l'armée allait s'efforcer de constituer un Conseil de réforme afin de travailler avec le Parlement et « des figures publiques significatives ». De son côté, le général Syarwan Hamid, chef de la faction parlementaire de l’armée, a demandé la démission de Suharto. Sans attendre l'évolution de la situation, les Indonésiens ont fait le siège des banques pour retirer des fonds.
mardi 19 mai
Dans la matinée, dans une allocution télévisée, le chef de l'Etat, qui cherche manifestement à gagner du temps, a expliqué que « démissionner n'est pas un problème » mais que son départ ne résoudrait sans doute pas la crise. Il a donc promis d'appliquer « un train de réformes à l'échelle nationale » et de préparer des élections pour lesquelles il ne serait pas candidat, mais sans fixer aucune échéance précise. Rien là qui puisse calmer les esprits. C'est pourquoi les opposants, et en particulier le second groupe musulman du pays (28 millions d'adhérents), ont confirmé leur appel à la manifestation pour le 20 mai, en dépit des mises en garde du général Wiranto, qui a dit craindre le pire. Le commandement militaire du centre de Java, pour sa part, a ordonné de tirer à vue sur les éventuels émeutiers. Les étudiants se disent « prêts à mourir ». Dans la journée, toutefois, l'armée a laissé 15 000 étudiants manifester jusque sur les toits du Parlement sans intervenir.
mercredi 20 mai
La grande manifestation qui devait réunir un million de manifestants à Jakarta a été annulée par ses organisateurs par crainte d'un bain de sang. Pour la première fois, les Etats-Unis ont demandé à Suharto de démissionner. Dans la soirée, le FMI a annoncé la suspension provisoire d'un prêt en cours de plusieurs milliards de dollars à l'Indonésie, dans l'attente de la fin des troubles. La roupie indonésienne a touché un plancher historique, à 17 000 pour un dollar.
nuit du mercredi 20 au jeudi 21 mai
Le ministre de la Défense, le général Wiranto fait pencher la balance. Avec le soutien des principaux responsables de l'armée, il a placé Suharto devant l'alternative : démission ou destitution.
jeudi 21 mai
Après trente-deux années d'un pouvoir sans partage, Haji Mohamed Suharto, soixante-seize ans, a passé la main en quelques minutes d'une brève déclaration télévisée en direct, dans la matinée : « Je cesse d'être président ». Une déclaration aussitôt accueillie par les explosions de joie de milliers d'étudiants qui réclamaient cette démission. Mais Suharto a délégué ses pouvoirs à son dauphin, Bacharruddin Jusuf Habibie, soixante et un ans, ingénieur en aéronautique, vice-président depuis février après avoir été ministre de la Recherche et de la Technologie pendant vingt ans. Le successeur est qualifié de « fils spirituel » du dictateur déchu. « La lutte continue », déclarait-on rapidement dans les rangs étudiants. Dans la soirée, le président Habibie a promis dans son premier discours de chef d'Etat, d'engager des réformes économiques, politiques et juridiques nécessaires, avec un « gouvernement apuré, libéré de l'inefficacité et des pratiques de corruption, de collusion et de népotisme ». Principal leader de l'opposition, Amien Rais, quarante-quatre ans, s'est aussitôt déclaré candidat à la présidence de la République. L'armée a annoncé de son côté qu'elle soutenait, pour l'instant, la nomination d'Habibie et qu'elle ne voulait plus de manifestations.
vendredi 22 mai
Le président Habibie a formé son premier gouvernement. Sans trop de mal : dix-neuf de ses trente-six ministres faisaient déjà partie du précédent. Parmi eux, le général Wiranto conserve la Défense. Autre poids lourd, le « super-ministre » de l'Economie, des Finances et du Développement : Ginandjar Kartasasmita a l'oreille du FMI, qui compte sur lui pour remettre l'économie indonésienne sur ses rails. Avec un programme de prêts de quarante-trois milliards de dollars. Autre restant, le ministre des Affaires étrangères, Ali Alatas, en poste depuis quinze ans : un défenseur de l'intégration de Timor dans l'ensemble indonésien. Habibie a intégré dans son équipe des représentants de trois partis autres que le Golkar au pouvoir depuis trois décennies et des membres de la « société civile ». Le choix le plus significatif est celui du général Syarwan Hamid, l'un des chauds partisans du départ de Suharto : après avoir été vice-président du Parlement, il prend le ministère de l'Intérieur à Hartono, un ami de la fille aînée de Suharto. Deux piliers du système Suharto ont été laissé sur place : le multimillionnaire Mohamad « Bob » Hassan et la fille aînée de Suharto, « Tutut », qui était en charge des Affaires sociales. L'opposition, qui a refusé de servir de force d'appoint à un gouvernement qu'Habibie aurait bien voulu consensuel, réclame des élections rapides, la libération des prisonniers politiques (plus de deux cents) et la citation de Suharto en justice.
nuit du vendredi 22 au samedi 23 mai
Les étudiants ont été « évacués » du Parlement, qu'ils occupaient depuis cinq jours, par quelque 3 000 militaires et policiers, mais « sans violences majeures ». Ces étudiants, fer de lance du « mai » de Jakarta, veulent, on le sait, le départ d'Habibie et l'instauration d'une authentique démocratie. Visiblement, c'est un nouveau bras de fer qui s'annonce, avec le général Wiranto cette fois.
samedi 23 mai
Au moment même où il prêtait serment, le nouveau cabinet du président Habibie était remis en cause. Et pas par n'importe qui : Ginanjar Kartasasmita, poids lourd de la nouvelle équipe (Economie, Finances et Industrie), a jeté le doute sur la longévité du gouvernement Habibie. Peu après avoir prêté serment, il a en effet déclaré qu'il était « nécessaire de procéder le plus rapidement possible à des élections générales ». Une centaine d'étudiants ont manifesté dans le calme à Jakarta. Ils portaient des banderoles sur lesquelles on lisait « rejetez Habibie ». D'autre part, le ministre de la Justice a déclaré que « le gouvernement doit accorder l'amnistie aux prisonniers politiques, annuler leurs condamnations et les réhabiliter, car les crimes politiques sont quelques choses de très subjectif ».
dimanche 24 mai
Des milliers d'Indonésiens, pour la plupart d'origine chinoise, et des étrangers qui avaient fui Jakarta menacée par les émeutes, ont amorcé leur retour, laissant espérer une reprise assez rapide de la vie économique. A la télévision, le leader musulman Amien Rais estimait que le nouveau Président semblait avoir « compris les aspirations du peuple ». A le croire, Jusuf Habibie envisage effectivement de préparer les élections que réclament les étudiants et l'opposition : « Il l'a dit qu'il faudrait au moins six mois pour mettre des réformes en oeuvre, y compris des lois pour des élections réellement démocratiques et pour établir un Parlement très stable ». Les premières démissions spontanées commencent à être enregistrées : la plus jeune parlementaire du parti au pouvoir, Lilik Herawaty, vingt et un ans, fille d'un président de la région, a donné sa démission dans la soirée.
lundi 25 mai
Jusuf Habibie a fait savoir, par le porte-parole du gouvernement, qu'il était « prêt à organiser des élections dès que possible ». Il n'a cependant avancé aucune date, fixé aucun calendrier, pas même provisoire, ce qui n'est pas de nature à satisfaire l'opposition. De même, cette dernière juge insuffisante les deux mesures d'amnistie dont bénéficient le dirigeant syndical Muchtar Pakpahan et le député Sri Bintang, condamnés pour avoir diffamé l'ancien président Suharto. Une centaine de personnes ont manifesté devant la prison de Cipinang, dans la banlieue de Jakarta, réclamant la libération immédiate des prisonniers politiques, dont le nombre est estimé deux cents. Par ailleurs, Junus Habibie, frère du nouveau président, a quitté la présidence de l'Autorité du développement industriel de Batam, dans lequel le gouvernement a investi des milliards de dollars.
mardi 26 mai
Les démissions importances continuent : Ilham Habibie, l'un des fils du nouveau président, qui occupait un poste de directeur général dans une agence gouvernementale qu'a présidée son père, a donné sa démission. Dans une note distribuée à la presse, le général Wiranton, ministre de la Défense, a informé que sa femme et sa fille avaient démissionné de leurs sièges à l'Assemblée consultative du peuple, l'instance suprême qui élit le président de la république. A ceux qui tardent à comprendre que le vent a tourné, le président adjoint du Golkhar, le parti au pouvoir, a fait savoir que la principale formation politique du pays allait « s'autonettoyer de la corruption, de la collusion et du népotisme, afin de se conformer à l'exigence générale de réformes totales ». D'autre part, le président Habibie, accompagné de son épouse, a rendu visite à la communauté chinoise victime des récentes émeutes.
mercredi 27 mai
Une émeute a éclaté à Tanjugbalai, dans le nord de l'île de Sumatra.
jeudi 28 mao
Jusuf Habibie a annoncé des élections générales pour 1999. Une échéance beaucoup trop lointaine, a aussitôt fait savoir l'opposition. La situation reste tendue : plusieurs centaines d'étudiants ont manifesté devant le Parlement, à Jakarta. Les émeutes qui continuent à Tanjugbalai ont fait un mort et quatorze blessés. Des violences ont par ailleurs éclaté à Jeneponto, aux Célèbes.
vendredi 29 mai
Des intellectuels et des personnalités ont créé, à Jakarta, un organisme indépendant pour enquêter sur les fonds publics indonésiens détournés ces dernières années. Les données seront, le cas échéant, transmises « aux autorités concernées ». Le deuxième fils et le mari de la fille aînée de Suharto ont démissionné de leurs postes de président-directeur et de directeur général du groupe Bimantara (télécommunications, médias, automobile, industrie chimique et immobilier).
mercredi 3 juin
Selon la Commission indonésienne des droits de l'homme, les troubles de la mi-mai ont fait plus de 1 000 morts, soit le double du bilan officiel des victimes. La Commission, organisme gouvernemental, demande qu'une « enquête minutieuse » soit ouverte sur les raisons pour lesquelles les forces de l'ordre ne sont pas intervenues plus rapidement pour mettre un terme aux émeutes.
lundi 8 juin
Une manifestation s'est déroulée à Jakarta, à l'initiative des étudiants, pour exiger la dissolution des trois seuls partis tolérés par l'ancien régime de Suharto, et notamment le parti au pouvoir, le Golkhar.
mercredi 10 juin
Le nouveau président Jusuf Habibie se dit prêt à octroyer un statut spécial au Timor-Oriental, l'ancienne colonie portugaise annexée par Suharto en 1975. L'Indonésie pourrait notamment reconnaître la spécificité de ce territoire et y favoriser la liberté religieuse, principalement catholique. Les indépendantistes du Timor-Oriental ont accueilli cette déclaration avec scepticisme.
jeudi 11 juin
Plus de 4 000 étudiants, arrivés à bord de nombreux autobus, ont de nouveau manifesté devant le Parlement de Jakarta. Ils exigent des changements démocratiques plus rapides, la comparution de Suharto pour corruption, la baisse des prix des denrées alimentaires et la création d'un « comité du peuple », pour remplacer le Parlement en attendant les élections générales.
vendredi 12 juin
Le régime indonésien a fait un geste en direction du Timor-Oriental en libérant une quinzaine d'indépendantistes embastillés. En fait, la peine de plusieurs d'entre eux expirait le 13 juin... et d'autres n'avaient pas encore été incarcérés ! Habibie refuse de libérer Xanana Gusmao, l'ancien chef du Front de libération du Timor-Oriental (Fretilin) qui purge, à Jakarta, une peine de vingt ans de prison. Le nouveau pouvoir n'a pas hésité à recourir au bâton pour faire rentrer dans le rang quelque 1 500 étudiants timorais qui manifestaient devant le ministère des Affaires étrangères à Jakarta. Mille soldats ont chargé les étudiants. Leur intervention a été rapide et violente. Plusieurs étudiants ont été arrêtés ou ont été blessés.
lundi 15 juin
Des émeutes se sont produites dans trois villes de Java, où des commerces, des lieux de culte et des bureaux ont été pillés. Partout, les manifestants exigent la démission de responsables locaux accusés de corruption. A Cianjur, à quatre-vingt kilomètres au sud de Jakarta, 15 000 manifestants ont pris d'assaut le Parlement local. A Tegal, à trois cents kilomètres de Jakarta, mécontents du refus des étudiants de se joindre à eux, les manifestants ont investi l'université et incendié des véhicules. A Tuban, c'est une nouvelle fois la communauté chinoise qui a été la cible des manifestants.
mardi 23 juin
Les ambassades à Jakarta ont demandé dans la soirée à tous les étrangers présents sur place de rester prudemment à l'écart des manifestations annoncées pour le 24 juin pour exiger que le président Habibie cède le pouvoir à un gouvernement de transition. Le commandant militaire de Jakarta a lancé cet avertissement aux manifestants : « Quiconque a l'intention de perturber la sécurité devra faire face à mes troupes. J'ai donné l'ordre d'avertir d'abord, puis d'écraser si nécessaire... »
A Timor, des milliers de personnes ont défilé en voiture dans les rues de Dili pour appeler à des réformes et au dialogue. Les manifestants, pour la plupart des étudiants et des jeunes, ont conduit un cortège de centaines de camions, bus, voitures, motos jusqu'au siège du gouvernement local pour rencontrer le gouverneur nommé par Jakarta, Jose Osorio Abilio Soares.
mercredi 24 juin
A Jakarta, le président Habibie a rencontré Mgr Ximenes Felipe Belo, évêque de Dili, colauréat du prix Nobel de la paix et ardent défenseur des droits de l'homme et de la cause du Timor-Oriental. Lors d'un entretien de deux heures, le président a annoncé que les Indonésiens « étudieront le problème » de la présence militaire dans l'île : quelque 20 000 soldats pour 800 000 habitants ! Et qu'ils « retireront graduellement » les troupes. C'est la première concession majeure de Jakarta dans l'affaire du Timor-Oriental. Jakarta envisage également d'accorder une certaine autonomie en matière d'éducation, d'économie et de culture. Mais le pouvoir indonésien ne s'engage à rien. Il promet seulement d'étudier et n'avance aucun calendrier.
vendredi 26 juin
L'arrivée de la mission diplomatique européenne au Timor-Oriental, la première du genre admise dans l'ancienne colonie portugaise, n'est pas passée inaperçue. Dans la soirée, cinq cents opposants à la mission, soutiens du gouvernement indonésien, ont accueilli à l'aéroport de Dili les trois ambassadeurs puis se sont heurtés à des étudiants manifestant pour l'indépendance du Timor. Après l'intervention des forces de sécurité, on a dénombré un mort et quatre blessés.
samedi 27 juin
24 000 bébés tortues hachés menus destinées à la consommation humaine. Un véritable scandale a éclaté en Indonésie où une enquête a été déclenchée sur l'exportation, vers Singapour, de cette chair de tortue. Les autorités cherchent à savoir qui est la compagnie exportatrice et affirment qu'il est temps de mettre fin au massacre de ces animaux.
dimanche 28 juin
Les ambassadeurs européens en mission d'observation au Timor-Oriental ont dû renoncer à assister à un office religieux ainsi qu'à une visite à l'université. 6 000 personnes manifestaient pour l'indépendance du Timor-Oriental.
lundi 29 juin
La visite de la mission diplomatique européenne au Timor-Oriental a fait une nouvelle victime : un fermier de trente-cinq ans qui se trouvait dans un groupe de manifestants attendant la mission, à Baucau. Il a été tué par un agent de sécurité qui suivait les deux voitures officielles, dont le véhicule avait été malmené par la foule criant des slogans indépendantistes. L'agent l'a abattu à bout portant et ses collègues ont tiré sur la foule au fusil-mitrailleur, faisant cinq blessés dont l'un a été grièvement atteint.
mardi 30 juin
Le président Habibie a signé un décret expulsant 41 membres de l'Assemblée consultative populaire. Le vice-président de l'Assemblée a présenté cette mesure (qui vise d'anciens ministres, des hommes d'affaires influents, des épouses d'anciens responsables politiques ou de responsables toujours en fonction), comme étant destinée à « nettoyer l'Assemblée du népotisme, de la corruption et de la collusion ». Quatre des enfants de Suharto conservent cependant leurs postes.
jeudi 2 juillet
L'Indonésie n'est plus en mesure de satisfaire les demandes de passeports de ceux qui veulent quitter le pays, pour la plupart des Indonésiens d'origine chinoise qui ont choisi de partir après les émeutes de mai dont ils ont été la cible. L'imprimeur officiel ne peut fabriquer quotidiennement que 5 000 passeports et les employés de l'immigration travaillent jusqu'à vingt-deux heures par jour pour répondre à la demande. En juin, près de 35 000 documents ont été délivrés, contre 15 000 le mois précédent.
vendredi 3 juillet
Des incidents ont éclaté en Irian Jaya, à Sorrong, lorsque quelques manifestants ont tenté de hisser le drapeau de l’OPM, le Mouvement de la Papouasie libre ; les heurts avec la police auraient fait un mort et cinq blessés.
Quarante soldats ont été arrêtés cette semaine. L'autorité militaire les soupçonne d'être impliqués dans des enlèvements de militants politiques et d'étudiants au cours des mois passés. Le porte-parole du quartier général des forces armées s'est cependant montré très évasif sur les chances de retrouver les personnes enlevées : « Cela prend du temps, ce n'est pas facile... »
dimanche 5 juillet
Manifestation des étudiants de l’université de Jayapura, la capitale de l’Iran Jaya. L’intervention de la police a fait deux blessés, dont l’un gravement touché à la tête.
lundi 6 juillet
De nouveaux heurts ont eu lieu en Irian Jaya, dans le port de Biak cette fois, où plusieurs centaines de manifestants ont hissé « l’Etoile du matin », le drapeau de l’OPM. La police a tiré sur la foule, faisant au moins trois morts et cent quarante et un blessés. Près de cent cinquante personnes ont été arrêtées.
vendredi 10 juillet
Le mont Merapi, sur l’île de Java, a soulevé ses dômes de lave refroidie.
samedi 11 juillet
Le parti du Golkhar a nommé à sa tête un réformiste et a rompu ses liens avec l’ancien président Suharto. Le Conseil des Anciens, l’un des trois organes du Golkar, que présidait encore Suharto et qui avait droit de veto sur toutes les décisions du parti, a été aboli. Akbar Tanjung, cinquante-trois ans, secrétaire d’Etat dans le gouvernement du nouveau président Habibie, est désormais le patron du Golkar. Dans son premier discours, Akabar Tanjungu s’est engagé à « sauver l’économie » et à « respecter les accords signés avec les organismes internationaux tels que le FMI ».
Le président Habibie a détaillé « l’offre globale » qu’il propose à la communauté internationale sur le dossier du Timor-Oriental. Contre la reconnaissance que l’ancienne colonie portugaise annexée en 1976 fait bien partie de l’Indonésie, le successeur de Suharto propose l’octroi d’un statut spécial d’autonomie et la libération de tous les prisonniers timorais, dont le leader Xamana Gusmao, condamné à vingt ans de détention. Cette « offre globale » intervient alors que Timor est en proie à un exode important de colons indonésiens, installés par le gouvernement dans l’île, ces dernières années. Près de 50 000 d’entre eux auraient déjà fui le territoire, inquiets d’une reprise des combats entre l’armée indonésienne et la rébellion.
Deux villages des alentours du volcan Merapi ont été ensevelis sous les cendres de l’éruption. Les autorités de la province de Jogyakarta se préparent à évacuer quelque 6 000 personnes.
vendredi 17 juillet
En recevant l’évêque timorais Carlos Bilo, prix Nobel de la paix, deux leaders de l’opposition indonésienne, Megawati Sukarnoputri et Abdurrahman Wahid, ont exprimé leur soutien à la cause défendue par le religieux : l’organisation d’un référendum sur l’indépendance du Timor oriental.
samedi 18 juillet
Plus de 3 000 personnes ont fui les villages installés sur les flancs du mont Mérapi.
dimanche 26 juillet
L’ASEAN (Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Philippines, Brunei, Vietnam, Laos et Birmanie) supplie les Occidentaux de l’aider dans ses restructurations et dans l’étalement de sa dette et d’investir chez elle.
lundi 27 juillet
En dépit de l’interdiction du gouvernement, Megawati Sukarnoputri, la principale figure de l’opposition, a commémoré, à Jakarta et à Jogjakarta (respectivement, 25 000 et 50 000 manifestants), la violente répression du mouvement organisé en sa faveur en 1996.
Trois cents quatre-vingt dix-huit soldats indonésiens ont quitté le Timor-oriental.
lundi 3 août
Onze partis indonésiens ont formé une alliance destiné à empêcher le Golkar, le parti de l’ex-président Suharto qui appuie maintenant son successeur Jusuf Habibie, de remporter les élections législatives anticipées, prévues l’an prochain.
mercredi 5 août
Après quinze ans de négociations sous l’égide de l’ONU, le Portugal et l’Indonésie sont tombés d’accord, à New York, pour « des discussions en profondeur à propos d’un statut spécial, fondé sur une large autonomie, pour le Timor oriental ». L’ancienne colonie portugaise a été envahie, puis annexée en 1976, par l’Indonésie, qui précise que, pour l’instant, la libération du leader indépendantiste timorais Xanana Gusmao reste exclue.
lundi 10 août
Dans la soirée l’Indonésie a fait défaut sur, au moins, trois échéances de sa dette, tout en payant les intérêts.
Six cents soldats indonésiens ont quitté le Timor-oriental. Par ailleurs, l’armée a ouvert le feu sur des villageois timorais à Bobonaro, à cent soixante-cinq kilomètres à l’ouest de Dili.
mardi 11 août
L’Indonésie affirme avoir « commencé à reéchelonner sa dette ».
mardi 25 août
Sept cents étudiants de Dili (Timor-oriental) se sont donnés rendez-vous à Bobonaro.
vendredi 28 août
La carrière météorique de Prabowo Subianto, quarante-sept ans, le plus jeune général que l’Indonésie ait jamais connu, s’est brisé net, avec son renvoi de l’armée. Gendre du président déchu Suharto, Prabowo commandait les redoutés Kopassus, les Forces spéciales indonésiennes accusées de dizaines de meurtres et de disparitions. La décision de chasser Prabowo aurait été hâtée par sa tentative de pénétrer, pistolet au poing, escorté d’hommes en armes, dans le bureau du président Habibie : Prabowo espérait ainsi récupérer son poste de commandant en chef des Forces stratégiques qu’il avait perdu son poste de commandant en chef des Forces stratégiques qu’il avait perdu, juste après la chute de Suharto. L’ex-général risque maintenant la Cour martiale pour les exactions des Kopassus. Mais il n’est pas sûr que la haute hiérarchie militaire, restée en place, ait vraiment envie d’un procès qui pourrait rapidement tourner au grand déballage.
vendredi 4 septembre
L’équipe d’investigation de la police de Jakarta a pris en flagrant délit neuf marchands qui s’apprêtaient à faire passer en contrebande 1 900 tonnes de riz du port indonésien de Sunda Kelapa (l’un des ports de Jakarta) vers le Sarawak, l’un des Etats de la Fédération de Malaisie. Ce trafic, organisé par un certain Lim Apeng, est devenu une pratique courante. La police de Semarang (autre ville de Java) va poursuivre ces « bandits du riz » en utilisant la loi antisubversion de 1963, qui peut faire encourir une peine de vingt ans de prison ou la peine de mort.
dimanche 6 septembre
L’ancien président Suharto a affirmé ne pas avoir un centime. Ce qui a déclenché un tollé dans l’opinion publique. Au point que son successeur, le président Habibie, n’a pu faire autrement que d’ordonner un interrogatoire sur la colossale fortune qu’il est accusé d’avoir accumulée en trente-deux années de pouvoir absolu.
lundi 7 septembre
Des centaines d’étudiants venus de toute l’Indonésie ont manifesté dans le centre de Jakarta, pour exiger la démission du président Habibie et la mise en place d’un régime de transition. Un vaste dispositif de sécurité avait été mis en place devant le Parlement dont les manifestants ont pourtant réussi à abattre les grilles. C’est la première manifestation d’une telle importance depuis celles de mai.
mardi 8 septembre
A Jakarta, la police a dû charger les manifestants devant le Parlement. Deux d’entre eux ont été sérieusement blessés à coups de baïonnette.
mercredi 9 septembre
A l’appel du « Forum Kota », la même coordination étudiante qui les avait mobilisé avant les journées décisives de mai, des milliers d’étudiants attendaient le nouveau Président indonésien à Surabaya, la deuxième ville du pays, à l’extrémité est de la grande île de Java, où il venait inaugurer, au stade, la « Journée nationale du sport ». Aux cris de « Baisse les prix ou va-t‘en » et de « Habibie démission », ils ont contraints son cortège de voitures à marcher au pas, retardant d’une bonne demi-heure le début officiel des cérémonies. Les pillages des entrepôts et des magasins ont repris dans le pays. Un quotidien de Jakarta affirme qu’en deux jours plus de 3 000 tonnes de riz et 1 500 tonnes de sucre ont ainsi été volées dans la province du Kalimantan-ouest (Bornéo).
Cinq anciens partis indépendantistes du Timor oriental se sont regroupés pour former le Conseil national de la résistance du peuple du Timor oriental. Xamana Gusmao, dirigeant rebelle emprisonné, a été nommé à la tête de ce nouveau parti.
vendredi 11 septembre
Frappé de plein fouet par un an de crise, l’Indonésie s’est engagée face au FMI, qui lui a accordé un ballon d’oxygène de deux cents cinquante-huit milliards de francs, à développer son programme de distribution de riz subventionné. Le prix du riz flambe depuis plusieurs semaines : + 20 %, jusqu’à 5 000 roupies le kilo.
lundi 14 septembre
Alors que des milliers de salariés des transports publics se sont mis en grève à Medan (Sumatra) pour protester contre la hausse des prix, des centaines d’émeutiers ont mis à sac un centre commercial.
lundi 21 septembre
La Bourse de Jakarta a chuté de 5,45 %.
jeudi 8 octobre
Megawati Sukarnoputri a ouvert le congrès de son parti à Bali malgré les efforts du gouvernement pour empêcher la réunion. un million de sympathisants sont venus de tout le pays. Seuls 50 000 ont pu assister au discours de leur dirigeante.
jeudi 15 octobre
Le ministre indonésien de l’Agriculture a déclaré que l’Indonésie, majoritairement musulman, ne peut être gouverné par un hindou. Ces propos visent l’opposante Megawati Sukarnoputri, musulmane mais d’ascendance hindoue, très populaire à Bali.
samedi 24 octobre
Les Balinais, hindouistes, ont menacé de réclamer leur indépendance si le ministre de l’Agriculture ne démissionne pas.
mercredi 4 novembre
Les neuf pays membres de l’ASEAN ont décidé d’avancer à 2003 la libéralisation totale des investissements intrarégionaux, initialement prévue pour 2010.
jeudi 5 novembre
Soupçonné d’avoir dirigé la répression des manifestations antigouvernementales de mai dernier, qui a fait 1 200 morts, le général Probowo, gendre de Suharto, a fui le pays, a annoncé son frère.
lundi 9 novembre
Le massacre de plusieurs dizaines de personnes a été annoncé à Alas, dans le sud-ouest du Timor-Oriental. En fait, il s’agit d’une rumeurs de faits déformés et démesurément amplifiés.
mardi 10 novembre
Les 1 000 membres du Congrès du peuple se réunissent pendant quatre jours pour poser les bases d’une libéralisation de la politique. Le Congrès devrait avaliser la date des prochaines élections parlementaires et présidentielle, en 1999, et limiter à deux le nombre de mandats présidentiels successifs. Les étudiants, qui doutent de la volonté réelle des congressistes, ont manifesté dans les rues de Jakarta. Ils ont trois revendications principales : le retour de l’armée dans ses casernes, le départ d’Habibie et l’ouverture d’une enquête sur l’enrichissement passé de Suharto et des siens.
mercredi 11 novembre
Des incidents ont éclaté dans le centre de Jakarta où des étudiants manifestaient, pour le deuxième jour consécutive, alors que se poursuivait la session extraordinaire de l’Assemblée constitutive du peuple. Devant la pression des manifestants, l’armée a ouvert le feu, en l’air semble-t-il. On compte pourtant des blessés, mais aucun par balle : une voiture d’étudiant serait entrée dans un cordon militaire et un officier et six soldats ont été hospitalisés. Les étudiants craignent que l’assemblée n’engage pas vraiment la réforme de la vie politique indonésienne.
jeudi 12 novembre
Jakarta s’est enfoncée, à la tombée de la nuit, dans la violence. Les forces de l’ordre ont utilisé leurs armes, des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser des dizaines de milliers de manifestants. Quelque trois morts, et cent blessés ont hospitalisés. Les étudiants ont été rejoints par d’autres couches de la population. Plusieurs cortèges se dirigeaient vers le Parlement lorsqu’ils ont été brutalement repoussés par une charge des forces de l’ordre.
vendredi 13 novembre
Alors que dans la matinée, le général Wiranto, ministre de la Défense et de la Sécurité, avait demandé à la population de reprendre ses occupations, menaçant très clairement d’une réaction extrêmement ferme de ses hommes, les affrontements ont repris quelques heures plus tard à Jakarta, faisant au moins onze morts (dont trois par balles) et des dizaines de blessés. Une fois de plus, Wiranto a fait donner ses troupes contre les étudiants. A vingt-deux heures, l’armée poursuivait son ratissage et prenait position autour de l’université catholique Atmajaya, où se sont réfugiés plus d’une centaine de manifestants. Dans la soirée, l’assemblée consultative s’est séparée après avoir institutionnalisé - par 784 voix contre 123 - le rôle politique de l’armée, ce qui risque de ne pas arranger les choses. L’opposition politique a demandé - en vain - que les travaux de l’assemblée ne soient pas suspendus, craignant d’ouvrir ainsi la voie aux lois d’urgence et à… une junte militaire. Les Etats-Unis ont appelé « les deux parties à faire preuve de retenue… »
samedi 14 novembre
10 000 personnes, étudiants et simples citoyens, se sont rassemblées devant le siège du parlement de Jakarta pour rendre hommage aux morts de la veille. Les manifestants étaient escortés par les troupes de la marine. La présence inattendue de ces troupes d’élite aux côtés des protestataires a alimenté les spéculations sur d’éventuelles disputes au sein des forces armées. Appelée à la rescousse et à la fermeté par le président Habibie, l’armée n’a pu contenir les protestataires. Les pillages se sont poursuivis toute la journée et dans la soirée. Les incidents se sont étendus à l’aéroport international et l’ont rendu inaccessible. Une petite dizaine d’autres villes ont été la proie de pillages ; ainsi que l’aéroport international de Bali. Partout dans le pays, les manifestants réclament la démission du général Wiranto, confirmé quelques heures plus tôt dans ses fonctions par Habibie. Des personnalités, connues pour leur attitude critique envers le pouvoir ont été convoquées et entendues par la police. Dans la soirée, dans un discours télévisé, le président Habibie a choisi la fermeté plutôt que le dialogue avec l’opposition, ce qui présage de nouveaux affrontements.
dimanche 15 novembre
Un calme précaire est revenu à Jakarta. L’armée s’est concentrée sur la protection du palais présidentiel et de quelques bâtiments stratégiques. Certaines rues sont toujours coupées par des barricades.
dimanche 22 novembre
Armés de coutelas, de bâtons et de sagaies faites de bambous acérés, des manifestants se réclamant de l’islam ont attaqué deux églises chrétiennes de Jakarta. Au moins six chrétiens ont été tués. L’église Christus Katapang de Kota, la vieille ville chinoise, a été dévastée. Cinq catholiques y ont été lynchés à mort par une foule en colère. Un peu plus tard, un autre catholique dont s’était emparé un groupe de musulmans a été jeté en pâture à la foule qui s’est acharné sur son cadavre. A l’origine de cette colère la rumeur, non fondée mais relayée par la télévision d’Etat, de l’attaque d’une mosquée. La minorité chinoise est majoritairement chrétienne en Indonésie.
lundi 23 novembre
Porte-parole de l’armée, Syamsul Maarif, a annoncé que quatre officiers passeront en conseil de guerre pour avoir passé à tabac des journalistes.
mardi 24 novembre
La situation reste tendue à Jakarta où plusieurs milliers d’étudiants ont à nouveau manifesté pour réclamer des réformes démocratiques. Le centre de la capitale était placé sous l’étroite surveillance de l’armée. Depuis la mi-novembre, les affrontements entre policiers et musulmans mais aussi entre musulmans et chrétiens ont fait plus de trente morts et quelque cinq cents blessés. On parle également d’assassinat de personnalités musulmanes modérées dans le centre et l’est de Java. Commandant la police militaire, le général Djasri Marin a révélé que cent soixante-trois militaires ont été emprisonnés après la répression des manifestations étudiantes qui, le 13 novembre, s’étaient soldées par quinze morts et plus de quatre cents blessés. Les autopsies des victimes ont révélé que certains éléments des forces de l’ordre, ce jour-là, ont utilisé des munitions de guerre, contrairement aux ordres exprès du ministre de la Défense et chef de l’armée, le général Wiranto. Le président Habibie a renouvelé sa confiance à ce dernier.
En apprenant l’assassinat de plus de quarante Timorais par les troupes indonésiennes depuis le début du mois, plus de 2 000 jeunes Timorais ont manifesté et occupé le bâtiment du gouvernement de la province.
vendredi 27 novembre
Scènes d’émeute dans le nord de Sumatra, à Tarutung.
lundi 30 novembre
Des milliers de Chinois qui manifestaient pour protester contre la destruction de vingt-deux églises catholiques ont mis le feu à quatre mosquées et à plusieurs lieux de prière islamique, dans la ville de Kupang, dans la partie occidentale de l’île de Timor.
lundi 2 décembre
Certains dirigeants du Golkhar (parti au pouvoir) dont l’ancien vice-président du pays, Try Sutrisno, ont décidé de fonder un nouveau parti. Ils se démarquent ainsi du président Habibie.
mardi 3 décembre
Le président Habibie a fait savoir qu’il a ordonné l’ouverture d’une enquête sur l’ancien président Suharto, « soupçonné de corruption, collusion et népotisme ». Il a aussi annoncé que des élections générales auront lieu le 7 juin et que l’Assemblée consultative du peuple se réunira le 29 août. Le président cède enfin aux principales revendications de l’opposition. Le scepticisme reste cependant de mise dans la population qui ne voit là, pour l’instant, que des promesses destinées à gagner du temps (il y a déjà une enquête en cours concernant Suharto, ouverte en août, qui n’a pas donné grand chose).
mercredi 4 décembre
Suharto a déclaré qu’il était « prêt à répondre aux questions du procureur général » chargé d’enquêter sur sa fortune.
lundi 9 décembre
Suharto a été interrogé pendant près de quatre heures par les services du procureur général au sujet de son enrichissement personnel et de sa possible corruption.
vendredi 13 décembre
Le prix Nobel de la paix José Ramos Horta estime que, comme Pinochet, Suharto doit être jugé pour crime contre l’humanité.
mardi 17 décembre
Les militaires et les policiers indonésiens ont ouvert le feu pour disperser des milliers de manifestants massés près du Parlement pour réclamer des réformes démocratiques.
jeudi 19 décembre
Une foule d’un millier de personnes a attaqué à cous de pierres trois églises, une école catholique, une clinique et de nombreuses habitations, à Jakarta, au début du ramadan. Ces émeutes seraient liées aux frappes américaines sur l’Irak.
La roupie a chuté de plus de 20 %. Pour endiguer la tourmente financière, le directeur du FMI est à Jakarta. L'armée est en pré-alerte, car des rumeurs de coup d'Etat circulent. L'Indonésie a aussi décidé de repousser ses achats de matériels militaires.
dimanche 11 janvier
Megawati Soekharoputri, fille du père de l'indépendance et figure de proue de l'opposition, appelle le président Suharto, soixante-seize ans, a s'écarter. Elle se dit elle-même prête à « devenir le leader de la nation ».
lundi 12 janvier
La fille aînée du président Suharto, coprésident du parti au pouvoir, a lancé un appel à la population, priée de venir échanger ses dollars contre des roupies afin de manifester une « attitude morale ». Quelles que soient les sommes recueillies, elles n'épongeront cependant pas la dette du pays, évaluée à plus de huit cents milliards de francs . En six mois, la roupie a perdu 75 % de sa valeur par rapport au dollar.
jeudi 15 janvier
L'Indonésie a accepté les exigences du FMI pour sauver son économie. Objectif : empêcher la crise asiatique de gangrener l'économie mondiale. Il y a urgence : les premiers mauvais signes sont là. Le FMI enfonce le clou. Le président Suharto a aussi accepté de rogner les énormes privilèges consentis à ses six enfants et à une ribambelle de neveux, cousins et oncles plus ou moins éloignés. Hutomo Mandala Putra, dit Tommy, le fils cadet de Suharto, perd le monopole du juteux commerce du fruit du giroflier. Privatisations ; abandon des cartels du ciment, du papier, du contreplaqué et de nombreuses denrées de nécessité (à l'exception du riz), chasse-gardées de la famille ; réduction des subventions aux carburants , suppression des fonds publics alloués à IPTN, l'avionneur local, etc.
mardi 20 janvier
Le vieux président Suharto est officiellement candidat pour un nouveau mandat de cinq ans, le septième. Il a accepté sa désignation par le parti au pouvoir. Sa réélection par l'Assemblée consultative du peuple n'est qu'une formalité, puisque les deux tiers des 1 000 membres sont désignés par le président lui-même.
mercredi 11 février
A Jakarta, la police est intervenue pour mettre fin à une manifestation : 140 arrestations.
jeudi 12 février
La crise financière prend un tour très social en Indonésie où l'envol des prix (40 % pour le riz, 70 % pour celui de l'huile) pousse la population à se venger sur la minorité chinoise, soutien et bénéficiaire du régime Suharto, qui domine les deux tiers de l'économie. A Java, la foule en colère a incendié plusieurs magasins de la localité de Jatiwangi. Le pouvoir demande aux autorités militaires de réactiver « l’appareil militaire de surveillance de la population ». Le président Suharto vient de placer le général Wiranto, un ancien aide de camp de Suharto, à la tête de l'armée tandis que son gendre, le général Subianto, a été nommé à la tête des forces stratégiques. Composées de 20 000 soldats d'élite, ces forces disposent des meilleurs équipements et passent pour être les mieux entraînées et les plus disciplinées.
vendredi 13 février
L'Indonésie a connu une journée de violence extrêmes, dont la première cible a été de nouveau la riche communauté chinoise. Les émeutiers, qui protestaient contre la flambée des prix, ont pillé ou incendié des magasins, des voitures et des maisons d'habitation dans quatre villes du pays : Losari, à deux cents kilomètres à l'est de Jakarta, Gebang, Pamanukan et Jatiwangi, dans l'ouest de Java.
samedi 14 février
Le président Suharto a choisi la manière forte. Des soldats de sa garde présidentielle ont commis des exactions gratuites, dans la soirée, dans le centre de Jakarta. Un militant de l'opposition politique a été très sévèrement molesté ; par ailleurs, le dirigeant de Siaga, un groupe d'intellectuels démocrates, est porté disparu depuis plusieurs jours. Dans l'île de la Sonde, l'armée a violemment répliqué aux émeutes : au moins cinq manifestants ont été tués et neuf autres blessés par balles. A Java, en revanche, la police a choisi de laissez-faire : des dizaines de personnes ont pillé impunément, dans la matinée, les boutiques des commerçants chinois.
Un bateau qui transportait une quarantaine de clandestins originaires d’Indonésie a sombré au large du port malaisien de Johore. On déplore huit morts et une trentaine de disparus.
lundi 16 février
La monnaie indonésienne a une nouvelle fois brutalement chuté, s'échangeant à 10 500 roupies pour un dollar, contre 8 000 le 13 février.
dimanche 1er mars
L'Assemblée consultative populaire, la plus haute instance de l'Indonésie, est réunie à Jakarta pour reconduire à l'unanimité le président Suharto pour un septième mandat de cinq ans à la tête du pays. Le processus est officiellement appelé élections, mais, pas plus que les six fois précédentes, le président en exercice n'aura à faire face à un vote formel.
du lundi 2 au mardi 3 mars
Plusieurs manifestations d'étudiants ont eu lieu dans certain nombre de villes universitaires d'Indonésie, pour exiger des réformes économiques et politiques, et notamment un « gouvernement non corrompu ».
vendredi 6 mars
Le FMI a annoncé que le versement d'une tranche d'aide d'environ dix-huit milliards de francs est suspendu parce que les autorités indonésiennes refusent d'appliquer, aujourd'hui, le programme de réformes qu'elles avaient pourtant acceptées le 15 janvier, en échange de quelque deux cents quarante milliards de francs.
mardi 10 mars
Le général-président Suharto a été « réélu » président de l'Indonésie, pour un septième mandat de cinq ans, par les 1 000 délégués de l'Assemblée consultative. Quelques heures après, la Banque mondiale a décidé de suspendre le versement d'une aide industrielle de six milliards de francs. La Banque asiatique pour le développement, le Japon et la plupart des bailleurs de fonds internationaux ont aussi fermé le robinet. Dans la rue, une fois encore, des étudiants manifestaient à Jakarta contre la corruption du régime et pour de profondes réformes économiques et politiques.
mercredi 11 mars
Des dizaines de milliers d'étudiants ont manifesté à travers l'Indonésie pour demander des réformes politiques, alors que le président Suharto prêtait serment. Les incidents les plus sérieux ont eu lieu à Surabaya, la capitale industrielle du pays, lorsque les forces de l'ordre sont intervenues brutalement contre quelque quatre cents étudiants qui tentaient de rejoindre un autre campus. Dans toutes les villes universitaires, la police, appuyée par des fusiliers marins et des soldats de l'infanterie, empêchent les étudiants (qui manifestent chaque jour depuis deux semaines) de quitter leur campus.
dimanche 15 mars
Le Premier ministre japonais, Ryutaro Hashimoto, est revenu bredouille d'Indonésie. Bien que le Japon soit le premier bailleur de fonds et le premier débiteur de l’Indonésie, la visite de Hashimoto n'a pas eu plus de succès que celle de Walter Mondale, envoyé spécial des Etats-Unis. Le président Suharto se refuse toujours à céder aux exigences du FMI.
mardi 17 mars
De nouveaux affrontements ont eut lieu entre les forces de l'ordre et des étudiants qui protestaient contre la politique du gouvernement et la composition du nouveau cabinet qui venait de prêter serment devant le président Suharto. Ces affrontements se sont produits dans plusieurs centres universitaires de Java. Ils ont fait au total vingt-huit blessés. Les Etats-Unis ont mis en garde les Américains désirant se rendre en Indonésie, « en raison d'une éventuelle augmentation de la tension et de la criminalité, conséquences de l'incertitude économique » que connaît le pays.
lundi 30 mars
Komis Santana, le chef de la guérilla de Timor-Est, est mort, victime d'un accident de montagne. Selon la radio du maquis, il aurait fait une chute dans un ravin. Le porte-parole de la résistance est-timoraise et prix Nobel de la paix, José Ramos-Horta, a confirmé l'information.
dimanche 5 avril
Les autorités indonésiennes ont suspendu les activités de sept banques et en ont placé sept autres sous tutelle en raison de leur « problème massif de liquidités » à la suite de la crise financière qui affecte l'Asie. Le gouvernement assure que les créanciers ne seront pas lésés.
lundi 6 avril
Dans la partie indonésienne de Bornéo, plus de 180 000 hectares de forêt ont été détruits par les incendies depuis le début de l'année.
mercredi 8 avril
Les négociations ont été difficiles, elles ont enfin abouti. Le FMI et l'Indonésie sont tombés d'accord sur les réformes à appliquer en échange de deux cents cinquante milliards de francs d'aide. Il était temps. Le riz manque dans les grandes villes.
samedi 2 mai
Les étudiants indonésiens ont multiplié les manifestations, depuis quelque temps, pour protester contre le manque de moyens mis à leur disposition afin de poursuivre leurs études. Celles d'aujourd'hui ont été les plus violentes qu'ait connues le pays depuis le début de la crise économique. Cette fois, les manifestations ont quitté les campus , relayées, à Suarbaya, par des chauffeurs de taxi et des passants. La police est intervenue avec une rare violence. Le président Suharto a demandé à son ministre de l'Education de « faire un effort » pour les étudiants, mais il a refusé toute réforme politique avant la fin de son mandat... dans cinq ans.
lundi 4 mai
Ministre de la Défense et commandant en chef de l'armée indonésienne, le général Wiranto a menacé les étudiants « d'actions sévères » s'ils persistent dans leurs « activités visant à créer l'anarchie ».
mardi 5 mai
Les manifestations des étudiants ont pris une nouvelle tournure à Medan (deux millions d'habitants, dans le nord de Sumatra), où la population s'est jointe au mouvement qui prend désormais des allures d'émeute. Les manifestants ont attaqué un poste de police, incendié des véhicules et pillé un centre commercial. Les forces de l'ordre ont fait usage de leurs armes. A Jakarta, où trois cents policiers ont tenté de contenir 5 000 étudiants, des balles en caoutchouc ont été tirées contre les manifestants. On a même vu quelques centaines d'ouvriers manifester devant le siège du syndicat officiel. La presse elle-même, pourtant très contrôlée, s'en prend maintenant aux « privilèges dont bénéficient les proches du Président ».
mercredi 6 mai
Les forces de l'ordre ont ouvert le feu à Medan. Un manifestant a été tué, et au moins deux autres blessés. Des centaines d'émeutiers pillaient les magasins du centre-ville.
jeudi 7 mai
Le général Wiranto, de retour de Medan, où trois jours d'émeutes auraient fait six morts et quatre-vingt blessés, a demandé, à Jakarta, aux étudiants de mettre un terme à leurs manifestations. Il les a assuré que l'armée était favorable à des réformes mais « graduellement et constitutionnellement ». Autrement dit : dans l'ordre.
vendredi 8 mai
A Solo (250 000 habitants dans le centre de Java), où les premiers incidents avaient éclaté en mars, de nouveaux affrontements entre étudiants et forces de l'ordre, pierres contre gaz lacrymogène et balles en caoutchouc, ont fait au moins soixante blessés. Un homme d'une quarantaine d'années a été tué à Yogyakarta après avoir été frappé par la police lors d'une manifestation. Et, à Jakarta, une effigie du président Suharto a été « jugée » pour meurtres, vols et corruption, reconnue coupable et brûlée sur un campus universitaire. Six personnes auraient été tuées cette semaine au cours des émeutes qui secouent le pays.
samedi 9 mai
Le président Suharto a quitté l'Indonésie pour une visite en Egypte, où il doit assister, au Caire, au sommet des pays en voie de développement.
Un officier de police a été tué lors d’une manifestation étudiante à l’université de Djuanda.
lundi 11 mai
Deux mouvements indonésiens influents ont lancé des appels séparés, à quelques heures d'intervalle, exigeant du président Suharto qu'il se retire de la vie publique. Le premier émane d'un groupe de personnalités, parmi lesquelles plusieurs anciens ministres, qui demandent l'annulation de l'élection de mars. Le second a été lancé par l'un des deux mouvements islamiques, la Muhammadiyah, qui revendique vingt-huit millions de membres.
mardi 12 mai
L'absence du président Suharto semble renforcer ceux qui exigent sa démission. Elle paraît aussi déstabiliser les forces de l'ordre qui, face à quelques 5 000 étudiants manifestant sur le campus de Jakarta et dans les quartiers environnants, ont ouvert le feu à balles réelles entre 17 et 20 h, faisant au moins six morts, dont quatre étudiants. La tension a monté lorsque les étudiants, qui voulaient marcher sur le Parlement, ont identifié un agent en civil dans leurs rangs.
mercredi 13 mai
La situation en Indonésie est devenue suffisamment alarmante pour que le président Suharto écourte son voyage en Egypte. Plus de 10 000 personnes se sont rassemblées sur le campus de l'université Trisatki, un établissement prestigieux de Jakarta, pour rendre hommage aux six étudiants tués la veille. Une fois de plus, la police a perdu son sang froid et ouvert le feu, faisant une nouvelle victime et plusieurs blessés. Les cérémonies de deuil ont alors dégénéré et l'émeute a gagné le cœur commercial et financier de la capitale où les forces de l'ordre ont acheminé des renforts par hélicoptère jusqu'à la nuit tombée. Fait nouveau : des accrochages se sont produits sur Jalan Thamarin, l'avenue du centre des affaires, bordée de tours de verre et d'acier, où se trouvent quelques uns des plus luxueux hôtels de la ville. On y a vu des employés jeter des pierres sur les camions militaires et des « cols blancs » refuser de s'écarter devant les soldats, qui ont dû tirer en l'air pour se dégager. Dans la soirée, nombreux sont les employés qui ont choisi de passer la nuit sur place, dans leurs bureaux. La contestation a également gagné les quartiers populaires où les dégâts matériels sont considérables. Des émeutes ont également secoué plusieurs autres villes, notamment Yogyakarta, à l'est de Java, et Bandoun, la ville de la technologie, à l'ouest. Officiellement, pourtant, les autorités considèrent qu'il ne se passe rien, qu'il « n'y a pas eu de morts »...
jeudi 14 mai
Une journée de chaos à Jakarta : les émeutes ont tourné au pillage dans les quartiers commerciaux et dans la ville. Plus de deux cents cinquante personnes ont trouvé la mort dans l'incendie de deux grands magasins et deux centres commerciaux. La plupart sont des jeunes gens, qui auraient été victimes de leur propre vandalisme. Les magasins d'appareils électroniques et électroménagers ont fourni un butin de choix à des milliers de pillards sous les yeux de soldats restant l'arme au pied. On a même vu des employés de la Bali Bank lancer des liasses de billets de 10 000, 20 000, 50 000 roupies aux manifestants pour les dissuader de prendre les locaux d'assaut. La foule n'a pas épargné la maison et le siège bancaire de l'homme le plus riche du pays, le Chinois Liem Sioe Liong, alias Salim Sudomo, l'un des plus anciens associés d'affaires du président Suharto. Selon certains témoins, alors que les policiers étaient systématiquement pris à partie, insultés, voire lapidés, par les émeutiers, les militaires, eux, étaient applaudis.
nuit du jeudi 14 au vendredi 15 mai
Le président Suharto est de retour en Indonésie.
vendredi 15 mai
Suharto a écarté toute idée de démission et exigé des forces de l'ordre qu'elles mettent un terme à tous les actes de violence. Il a aussi annoncé l'annulation des hausses de prix des carburants, mesure qui avait suscité la flambée de violence.
samedi 16 mai
Près de cinq cents personnes auraient trouvé la mort cette semaine à Jakarta. Ce chiffre a été communiqué par un porte-parole de l'armée. Le bilan final ne sera vraisemblablement jamais connu. Un calme relatif règne maintenant mais la tension était toujours présente. Les étrangers, occidentaux et asiatiques, continuent à fuir la capitale. Le président Suharto a réaffirmé vouloir se maintenir au pouvoir coûte que coûte, précisant qu'il ne reculerait pas devant le risque d'une confrontation, en recourant, s'il le faut, aux pleins pouvoirs. Le président a toutefois engagé la refonte du gouvernement.
dimanche 17 mai
Le calme semble être revenu avec le déploiement de l'armée à Jakarta. S'il est vrai qu'un certain nombre de généraux à la retraite ont appelé publiquement Suharto à se retire, aucun appel de ce genre n'est venu des rangs des officiers d'active. Les étrangers, qui n'ont pas confiance, continuent à fuir la capitale. La communauté japonaise, la plus nombreuse (20 000 personnes), va disposer, pendant trois jours, d'un véritable pont aérien avec onze vols spéciaux au départ de la capitale indonésienne.
lundi 18 mai
Le président du Parlement, M. Harmoko, a révélé que les quatre partis représentés au Parlement allaient se réunir le 19 mai afin « d'exhorter Suharto a démissionner pour l'intégrité et l'unité de la nation ». Dans l'après-midi, le général Wiranto, ministre de la Défense et chef des forces armées, a déclaré à la presse que l'appel du Parlement n'avait « pas de base légale ». Il a également expliqué que l'armée allait s'efforcer de constituer un Conseil de réforme afin de travailler avec le Parlement et « des figures publiques significatives ». De son côté, le général Syarwan Hamid, chef de la faction parlementaire de l’armée, a demandé la démission de Suharto. Sans attendre l'évolution de la situation, les Indonésiens ont fait le siège des banques pour retirer des fonds.
mardi 19 mai
Dans la matinée, dans une allocution télévisée, le chef de l'Etat, qui cherche manifestement à gagner du temps, a expliqué que « démissionner n'est pas un problème » mais que son départ ne résoudrait sans doute pas la crise. Il a donc promis d'appliquer « un train de réformes à l'échelle nationale » et de préparer des élections pour lesquelles il ne serait pas candidat, mais sans fixer aucune échéance précise. Rien là qui puisse calmer les esprits. C'est pourquoi les opposants, et en particulier le second groupe musulman du pays (28 millions d'adhérents), ont confirmé leur appel à la manifestation pour le 20 mai, en dépit des mises en garde du général Wiranto, qui a dit craindre le pire. Le commandement militaire du centre de Java, pour sa part, a ordonné de tirer à vue sur les éventuels émeutiers. Les étudiants se disent « prêts à mourir ». Dans la journée, toutefois, l'armée a laissé 15 000 étudiants manifester jusque sur les toits du Parlement sans intervenir.
mercredi 20 mai
La grande manifestation qui devait réunir un million de manifestants à Jakarta a été annulée par ses organisateurs par crainte d'un bain de sang. Pour la première fois, les Etats-Unis ont demandé à Suharto de démissionner. Dans la soirée, le FMI a annoncé la suspension provisoire d'un prêt en cours de plusieurs milliards de dollars à l'Indonésie, dans l'attente de la fin des troubles. La roupie indonésienne a touché un plancher historique, à 17 000 pour un dollar.
nuit du mercredi 20 au jeudi 21 mai
Le ministre de la Défense, le général Wiranto fait pencher la balance. Avec le soutien des principaux responsables de l'armée, il a placé Suharto devant l'alternative : démission ou destitution.
jeudi 21 mai
Après trente-deux années d'un pouvoir sans partage, Haji Mohamed Suharto, soixante-seize ans, a passé la main en quelques minutes d'une brève déclaration télévisée en direct, dans la matinée : « Je cesse d'être président ». Une déclaration aussitôt accueillie par les explosions de joie de milliers d'étudiants qui réclamaient cette démission. Mais Suharto a délégué ses pouvoirs à son dauphin, Bacharruddin Jusuf Habibie, soixante et un ans, ingénieur en aéronautique, vice-président depuis février après avoir été ministre de la Recherche et de la Technologie pendant vingt ans. Le successeur est qualifié de « fils spirituel » du dictateur déchu. « La lutte continue », déclarait-on rapidement dans les rangs étudiants. Dans la soirée, le président Habibie a promis dans son premier discours de chef d'Etat, d'engager des réformes économiques, politiques et juridiques nécessaires, avec un « gouvernement apuré, libéré de l'inefficacité et des pratiques de corruption, de collusion et de népotisme ». Principal leader de l'opposition, Amien Rais, quarante-quatre ans, s'est aussitôt déclaré candidat à la présidence de la République. L'armée a annoncé de son côté qu'elle soutenait, pour l'instant, la nomination d'Habibie et qu'elle ne voulait plus de manifestations.
vendredi 22 mai
Le président Habibie a formé son premier gouvernement. Sans trop de mal : dix-neuf de ses trente-six ministres faisaient déjà partie du précédent. Parmi eux, le général Wiranto conserve la Défense. Autre poids lourd, le « super-ministre » de l'Economie, des Finances et du Développement : Ginandjar Kartasasmita a l'oreille du FMI, qui compte sur lui pour remettre l'économie indonésienne sur ses rails. Avec un programme de prêts de quarante-trois milliards de dollars. Autre restant, le ministre des Affaires étrangères, Ali Alatas, en poste depuis quinze ans : un défenseur de l'intégration de Timor dans l'ensemble indonésien. Habibie a intégré dans son équipe des représentants de trois partis autres que le Golkar au pouvoir depuis trois décennies et des membres de la « société civile ». Le choix le plus significatif est celui du général Syarwan Hamid, l'un des chauds partisans du départ de Suharto : après avoir été vice-président du Parlement, il prend le ministère de l'Intérieur à Hartono, un ami de la fille aînée de Suharto. Deux piliers du système Suharto ont été laissé sur place : le multimillionnaire Mohamad « Bob » Hassan et la fille aînée de Suharto, « Tutut », qui était en charge des Affaires sociales. L'opposition, qui a refusé de servir de force d'appoint à un gouvernement qu'Habibie aurait bien voulu consensuel, réclame des élections rapides, la libération des prisonniers politiques (plus de deux cents) et la citation de Suharto en justice.
nuit du vendredi 22 au samedi 23 mai
Les étudiants ont été « évacués » du Parlement, qu'ils occupaient depuis cinq jours, par quelque 3 000 militaires et policiers, mais « sans violences majeures ». Ces étudiants, fer de lance du « mai » de Jakarta, veulent, on le sait, le départ d'Habibie et l'instauration d'une authentique démocratie. Visiblement, c'est un nouveau bras de fer qui s'annonce, avec le général Wiranto cette fois.
samedi 23 mai
Au moment même où il prêtait serment, le nouveau cabinet du président Habibie était remis en cause. Et pas par n'importe qui : Ginanjar Kartasasmita, poids lourd de la nouvelle équipe (Economie, Finances et Industrie), a jeté le doute sur la longévité du gouvernement Habibie. Peu après avoir prêté serment, il a en effet déclaré qu'il était « nécessaire de procéder le plus rapidement possible à des élections générales ». Une centaine d'étudiants ont manifesté dans le calme à Jakarta. Ils portaient des banderoles sur lesquelles on lisait « rejetez Habibie ». D'autre part, le ministre de la Justice a déclaré que « le gouvernement doit accorder l'amnistie aux prisonniers politiques, annuler leurs condamnations et les réhabiliter, car les crimes politiques sont quelques choses de très subjectif ».
dimanche 24 mai
Des milliers d'Indonésiens, pour la plupart d'origine chinoise, et des étrangers qui avaient fui Jakarta menacée par les émeutes, ont amorcé leur retour, laissant espérer une reprise assez rapide de la vie économique. A la télévision, le leader musulman Amien Rais estimait que le nouveau Président semblait avoir « compris les aspirations du peuple ». A le croire, Jusuf Habibie envisage effectivement de préparer les élections que réclament les étudiants et l'opposition : « Il l'a dit qu'il faudrait au moins six mois pour mettre des réformes en oeuvre, y compris des lois pour des élections réellement démocratiques et pour établir un Parlement très stable ». Les premières démissions spontanées commencent à être enregistrées : la plus jeune parlementaire du parti au pouvoir, Lilik Herawaty, vingt et un ans, fille d'un président de la région, a donné sa démission dans la soirée.
lundi 25 mai
Jusuf Habibie a fait savoir, par le porte-parole du gouvernement, qu'il était « prêt à organiser des élections dès que possible ». Il n'a cependant avancé aucune date, fixé aucun calendrier, pas même provisoire, ce qui n'est pas de nature à satisfaire l'opposition. De même, cette dernière juge insuffisante les deux mesures d'amnistie dont bénéficient le dirigeant syndical Muchtar Pakpahan et le député Sri Bintang, condamnés pour avoir diffamé l'ancien président Suharto. Une centaine de personnes ont manifesté devant la prison de Cipinang, dans la banlieue de Jakarta, réclamant la libération immédiate des prisonniers politiques, dont le nombre est estimé deux cents. Par ailleurs, Junus Habibie, frère du nouveau président, a quitté la présidence de l'Autorité du développement industriel de Batam, dans lequel le gouvernement a investi des milliards de dollars.
mardi 26 mai
Les démissions importances continuent : Ilham Habibie, l'un des fils du nouveau président, qui occupait un poste de directeur général dans une agence gouvernementale qu'a présidée son père, a donné sa démission. Dans une note distribuée à la presse, le général Wiranton, ministre de la Défense, a informé que sa femme et sa fille avaient démissionné de leurs sièges à l'Assemblée consultative du peuple, l'instance suprême qui élit le président de la république. A ceux qui tardent à comprendre que le vent a tourné, le président adjoint du Golkhar, le parti au pouvoir, a fait savoir que la principale formation politique du pays allait « s'autonettoyer de la corruption, de la collusion et du népotisme, afin de se conformer à l'exigence générale de réformes totales ». D'autre part, le président Habibie, accompagné de son épouse, a rendu visite à la communauté chinoise victime des récentes émeutes.
mercredi 27 mai
Une émeute a éclaté à Tanjugbalai, dans le nord de l'île de Sumatra.
jeudi 28 mao
Jusuf Habibie a annoncé des élections générales pour 1999. Une échéance beaucoup trop lointaine, a aussitôt fait savoir l'opposition. La situation reste tendue : plusieurs centaines d'étudiants ont manifesté devant le Parlement, à Jakarta. Les émeutes qui continuent à Tanjugbalai ont fait un mort et quatorze blessés. Des violences ont par ailleurs éclaté à Jeneponto, aux Célèbes.
vendredi 29 mai
Des intellectuels et des personnalités ont créé, à Jakarta, un organisme indépendant pour enquêter sur les fonds publics indonésiens détournés ces dernières années. Les données seront, le cas échéant, transmises « aux autorités concernées ». Le deuxième fils et le mari de la fille aînée de Suharto ont démissionné de leurs postes de président-directeur et de directeur général du groupe Bimantara (télécommunications, médias, automobile, industrie chimique et immobilier).
mercredi 3 juin
Selon la Commission indonésienne des droits de l'homme, les troubles de la mi-mai ont fait plus de 1 000 morts, soit le double du bilan officiel des victimes. La Commission, organisme gouvernemental, demande qu'une « enquête minutieuse » soit ouverte sur les raisons pour lesquelles les forces de l'ordre ne sont pas intervenues plus rapidement pour mettre un terme aux émeutes.
lundi 8 juin
Une manifestation s'est déroulée à Jakarta, à l'initiative des étudiants, pour exiger la dissolution des trois seuls partis tolérés par l'ancien régime de Suharto, et notamment le parti au pouvoir, le Golkhar.
mercredi 10 juin
Le nouveau président Jusuf Habibie se dit prêt à octroyer un statut spécial au Timor-Oriental, l'ancienne colonie portugaise annexée par Suharto en 1975. L'Indonésie pourrait notamment reconnaître la spécificité de ce territoire et y favoriser la liberté religieuse, principalement catholique. Les indépendantistes du Timor-Oriental ont accueilli cette déclaration avec scepticisme.
jeudi 11 juin
Plus de 4 000 étudiants, arrivés à bord de nombreux autobus, ont de nouveau manifesté devant le Parlement de Jakarta. Ils exigent des changements démocratiques plus rapides, la comparution de Suharto pour corruption, la baisse des prix des denrées alimentaires et la création d'un « comité du peuple », pour remplacer le Parlement en attendant les élections générales.
vendredi 12 juin
Le régime indonésien a fait un geste en direction du Timor-Oriental en libérant une quinzaine d'indépendantistes embastillés. En fait, la peine de plusieurs d'entre eux expirait le 13 juin... et d'autres n'avaient pas encore été incarcérés ! Habibie refuse de libérer Xanana Gusmao, l'ancien chef du Front de libération du Timor-Oriental (Fretilin) qui purge, à Jakarta, une peine de vingt ans de prison. Le nouveau pouvoir n'a pas hésité à recourir au bâton pour faire rentrer dans le rang quelque 1 500 étudiants timorais qui manifestaient devant le ministère des Affaires étrangères à Jakarta. Mille soldats ont chargé les étudiants. Leur intervention a été rapide et violente. Plusieurs étudiants ont été arrêtés ou ont été blessés.
lundi 15 juin
Des émeutes se sont produites dans trois villes de Java, où des commerces, des lieux de culte et des bureaux ont été pillés. Partout, les manifestants exigent la démission de responsables locaux accusés de corruption. A Cianjur, à quatre-vingt kilomètres au sud de Jakarta, 15 000 manifestants ont pris d'assaut le Parlement local. A Tegal, à trois cents kilomètres de Jakarta, mécontents du refus des étudiants de se joindre à eux, les manifestants ont investi l'université et incendié des véhicules. A Tuban, c'est une nouvelle fois la communauté chinoise qui a été la cible des manifestants.
mardi 23 juin
Les ambassades à Jakarta ont demandé dans la soirée à tous les étrangers présents sur place de rester prudemment à l'écart des manifestations annoncées pour le 24 juin pour exiger que le président Habibie cède le pouvoir à un gouvernement de transition. Le commandant militaire de Jakarta a lancé cet avertissement aux manifestants : « Quiconque a l'intention de perturber la sécurité devra faire face à mes troupes. J'ai donné l'ordre d'avertir d'abord, puis d'écraser si nécessaire... »
A Timor, des milliers de personnes ont défilé en voiture dans les rues de Dili pour appeler à des réformes et au dialogue. Les manifestants, pour la plupart des étudiants et des jeunes, ont conduit un cortège de centaines de camions, bus, voitures, motos jusqu'au siège du gouvernement local pour rencontrer le gouverneur nommé par Jakarta, Jose Osorio Abilio Soares.
mercredi 24 juin
A Jakarta, le président Habibie a rencontré Mgr Ximenes Felipe Belo, évêque de Dili, colauréat du prix Nobel de la paix et ardent défenseur des droits de l'homme et de la cause du Timor-Oriental. Lors d'un entretien de deux heures, le président a annoncé que les Indonésiens « étudieront le problème » de la présence militaire dans l'île : quelque 20 000 soldats pour 800 000 habitants ! Et qu'ils « retireront graduellement » les troupes. C'est la première concession majeure de Jakarta dans l'affaire du Timor-Oriental. Jakarta envisage également d'accorder une certaine autonomie en matière d'éducation, d'économie et de culture. Mais le pouvoir indonésien ne s'engage à rien. Il promet seulement d'étudier et n'avance aucun calendrier.
vendredi 26 juin
L'arrivée de la mission diplomatique européenne au Timor-Oriental, la première du genre admise dans l'ancienne colonie portugaise, n'est pas passée inaperçue. Dans la soirée, cinq cents opposants à la mission, soutiens du gouvernement indonésien, ont accueilli à l'aéroport de Dili les trois ambassadeurs puis se sont heurtés à des étudiants manifestant pour l'indépendance du Timor. Après l'intervention des forces de sécurité, on a dénombré un mort et quatre blessés.
samedi 27 juin
24 000 bébés tortues hachés menus destinées à la consommation humaine. Un véritable scandale a éclaté en Indonésie où une enquête a été déclenchée sur l'exportation, vers Singapour, de cette chair de tortue. Les autorités cherchent à savoir qui est la compagnie exportatrice et affirment qu'il est temps de mettre fin au massacre de ces animaux.
dimanche 28 juin
Les ambassadeurs européens en mission d'observation au Timor-Oriental ont dû renoncer à assister à un office religieux ainsi qu'à une visite à l'université. 6 000 personnes manifestaient pour l'indépendance du Timor-Oriental.
lundi 29 juin
La visite de la mission diplomatique européenne au Timor-Oriental a fait une nouvelle victime : un fermier de trente-cinq ans qui se trouvait dans un groupe de manifestants attendant la mission, à Baucau. Il a été tué par un agent de sécurité qui suivait les deux voitures officielles, dont le véhicule avait été malmené par la foule criant des slogans indépendantistes. L'agent l'a abattu à bout portant et ses collègues ont tiré sur la foule au fusil-mitrailleur, faisant cinq blessés dont l'un a été grièvement atteint.
mardi 30 juin
Le président Habibie a signé un décret expulsant 41 membres de l'Assemblée consultative populaire. Le vice-président de l'Assemblée a présenté cette mesure (qui vise d'anciens ministres, des hommes d'affaires influents, des épouses d'anciens responsables politiques ou de responsables toujours en fonction), comme étant destinée à « nettoyer l'Assemblée du népotisme, de la corruption et de la collusion ». Quatre des enfants de Suharto conservent cependant leurs postes.
jeudi 2 juillet
L'Indonésie n'est plus en mesure de satisfaire les demandes de passeports de ceux qui veulent quitter le pays, pour la plupart des Indonésiens d'origine chinoise qui ont choisi de partir après les émeutes de mai dont ils ont été la cible. L'imprimeur officiel ne peut fabriquer quotidiennement que 5 000 passeports et les employés de l'immigration travaillent jusqu'à vingt-deux heures par jour pour répondre à la demande. En juin, près de 35 000 documents ont été délivrés, contre 15 000 le mois précédent.
vendredi 3 juillet
Des incidents ont éclaté en Irian Jaya, à Sorrong, lorsque quelques manifestants ont tenté de hisser le drapeau de l’OPM, le Mouvement de la Papouasie libre ; les heurts avec la police auraient fait un mort et cinq blessés.
Quarante soldats ont été arrêtés cette semaine. L'autorité militaire les soupçonne d'être impliqués dans des enlèvements de militants politiques et d'étudiants au cours des mois passés. Le porte-parole du quartier général des forces armées s'est cependant montré très évasif sur les chances de retrouver les personnes enlevées : « Cela prend du temps, ce n'est pas facile... »
dimanche 5 juillet
Manifestation des étudiants de l’université de Jayapura, la capitale de l’Iran Jaya. L’intervention de la police a fait deux blessés, dont l’un gravement touché à la tête.
lundi 6 juillet
De nouveaux heurts ont eu lieu en Irian Jaya, dans le port de Biak cette fois, où plusieurs centaines de manifestants ont hissé « l’Etoile du matin », le drapeau de l’OPM. La police a tiré sur la foule, faisant au moins trois morts et cent quarante et un blessés. Près de cent cinquante personnes ont été arrêtées.
vendredi 10 juillet
Le mont Merapi, sur l’île de Java, a soulevé ses dômes de lave refroidie.
samedi 11 juillet
Le parti du Golkhar a nommé à sa tête un réformiste et a rompu ses liens avec l’ancien président Suharto. Le Conseil des Anciens, l’un des trois organes du Golkar, que présidait encore Suharto et qui avait droit de veto sur toutes les décisions du parti, a été aboli. Akbar Tanjung, cinquante-trois ans, secrétaire d’Etat dans le gouvernement du nouveau président Habibie, est désormais le patron du Golkar. Dans son premier discours, Akabar Tanjungu s’est engagé à « sauver l’économie » et à « respecter les accords signés avec les organismes internationaux tels que le FMI ».
Le président Habibie a détaillé « l’offre globale » qu’il propose à la communauté internationale sur le dossier du Timor-Oriental. Contre la reconnaissance que l’ancienne colonie portugaise annexée en 1976 fait bien partie de l’Indonésie, le successeur de Suharto propose l’octroi d’un statut spécial d’autonomie et la libération de tous les prisonniers timorais, dont le leader Xamana Gusmao, condamné à vingt ans de détention. Cette « offre globale » intervient alors que Timor est en proie à un exode important de colons indonésiens, installés par le gouvernement dans l’île, ces dernières années. Près de 50 000 d’entre eux auraient déjà fui le territoire, inquiets d’une reprise des combats entre l’armée indonésienne et la rébellion.
Deux villages des alentours du volcan Merapi ont été ensevelis sous les cendres de l’éruption. Les autorités de la province de Jogyakarta se préparent à évacuer quelque 6 000 personnes.
vendredi 17 juillet
En recevant l’évêque timorais Carlos Bilo, prix Nobel de la paix, deux leaders de l’opposition indonésienne, Megawati Sukarnoputri et Abdurrahman Wahid, ont exprimé leur soutien à la cause défendue par le religieux : l’organisation d’un référendum sur l’indépendance du Timor oriental.
samedi 18 juillet
Plus de 3 000 personnes ont fui les villages installés sur les flancs du mont Mérapi.
dimanche 26 juillet
L’ASEAN (Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Philippines, Brunei, Vietnam, Laos et Birmanie) supplie les Occidentaux de l’aider dans ses restructurations et dans l’étalement de sa dette et d’investir chez elle.
lundi 27 juillet
En dépit de l’interdiction du gouvernement, Megawati Sukarnoputri, la principale figure de l’opposition, a commémoré, à Jakarta et à Jogjakarta (respectivement, 25 000 et 50 000 manifestants), la violente répression du mouvement organisé en sa faveur en 1996.
Trois cents quatre-vingt dix-huit soldats indonésiens ont quitté le Timor-oriental.
lundi 3 août
Onze partis indonésiens ont formé une alliance destiné à empêcher le Golkar, le parti de l’ex-président Suharto qui appuie maintenant son successeur Jusuf Habibie, de remporter les élections législatives anticipées, prévues l’an prochain.
mercredi 5 août
Après quinze ans de négociations sous l’égide de l’ONU, le Portugal et l’Indonésie sont tombés d’accord, à New York, pour « des discussions en profondeur à propos d’un statut spécial, fondé sur une large autonomie, pour le Timor oriental ». L’ancienne colonie portugaise a été envahie, puis annexée en 1976, par l’Indonésie, qui précise que, pour l’instant, la libération du leader indépendantiste timorais Xanana Gusmao reste exclue.
lundi 10 août
Dans la soirée l’Indonésie a fait défaut sur, au moins, trois échéances de sa dette, tout en payant les intérêts.
Six cents soldats indonésiens ont quitté le Timor-oriental. Par ailleurs, l’armée a ouvert le feu sur des villageois timorais à Bobonaro, à cent soixante-cinq kilomètres à l’ouest de Dili.
mardi 11 août
L’Indonésie affirme avoir « commencé à reéchelonner sa dette ».
mardi 25 août
Sept cents étudiants de Dili (Timor-oriental) se sont donnés rendez-vous à Bobonaro.
vendredi 28 août
La carrière météorique de Prabowo Subianto, quarante-sept ans, le plus jeune général que l’Indonésie ait jamais connu, s’est brisé net, avec son renvoi de l’armée. Gendre du président déchu Suharto, Prabowo commandait les redoutés Kopassus, les Forces spéciales indonésiennes accusées de dizaines de meurtres et de disparitions. La décision de chasser Prabowo aurait été hâtée par sa tentative de pénétrer, pistolet au poing, escorté d’hommes en armes, dans le bureau du président Habibie : Prabowo espérait ainsi récupérer son poste de commandant en chef des Forces stratégiques qu’il avait perdu son poste de commandant en chef des Forces stratégiques qu’il avait perdu, juste après la chute de Suharto. L’ex-général risque maintenant la Cour martiale pour les exactions des Kopassus. Mais il n’est pas sûr que la haute hiérarchie militaire, restée en place, ait vraiment envie d’un procès qui pourrait rapidement tourner au grand déballage.
vendredi 4 septembre
L’équipe d’investigation de la police de Jakarta a pris en flagrant délit neuf marchands qui s’apprêtaient à faire passer en contrebande 1 900 tonnes de riz du port indonésien de Sunda Kelapa (l’un des ports de Jakarta) vers le Sarawak, l’un des Etats de la Fédération de Malaisie. Ce trafic, organisé par un certain Lim Apeng, est devenu une pratique courante. La police de Semarang (autre ville de Java) va poursuivre ces « bandits du riz » en utilisant la loi antisubversion de 1963, qui peut faire encourir une peine de vingt ans de prison ou la peine de mort.
dimanche 6 septembre
L’ancien président Suharto a affirmé ne pas avoir un centime. Ce qui a déclenché un tollé dans l’opinion publique. Au point que son successeur, le président Habibie, n’a pu faire autrement que d’ordonner un interrogatoire sur la colossale fortune qu’il est accusé d’avoir accumulée en trente-deux années de pouvoir absolu.
lundi 7 septembre
Des centaines d’étudiants venus de toute l’Indonésie ont manifesté dans le centre de Jakarta, pour exiger la démission du président Habibie et la mise en place d’un régime de transition. Un vaste dispositif de sécurité avait été mis en place devant le Parlement dont les manifestants ont pourtant réussi à abattre les grilles. C’est la première manifestation d’une telle importance depuis celles de mai.
mardi 8 septembre
A Jakarta, la police a dû charger les manifestants devant le Parlement. Deux d’entre eux ont été sérieusement blessés à coups de baïonnette.
mercredi 9 septembre
A l’appel du « Forum Kota », la même coordination étudiante qui les avait mobilisé avant les journées décisives de mai, des milliers d’étudiants attendaient le nouveau Président indonésien à Surabaya, la deuxième ville du pays, à l’extrémité est de la grande île de Java, où il venait inaugurer, au stade, la « Journée nationale du sport ». Aux cris de « Baisse les prix ou va-t‘en » et de « Habibie démission », ils ont contraints son cortège de voitures à marcher au pas, retardant d’une bonne demi-heure le début officiel des cérémonies. Les pillages des entrepôts et des magasins ont repris dans le pays. Un quotidien de Jakarta affirme qu’en deux jours plus de 3 000 tonnes de riz et 1 500 tonnes de sucre ont ainsi été volées dans la province du Kalimantan-ouest (Bornéo).
Cinq anciens partis indépendantistes du Timor oriental se sont regroupés pour former le Conseil national de la résistance du peuple du Timor oriental. Xamana Gusmao, dirigeant rebelle emprisonné, a été nommé à la tête de ce nouveau parti.
vendredi 11 septembre
Frappé de plein fouet par un an de crise, l’Indonésie s’est engagée face au FMI, qui lui a accordé un ballon d’oxygène de deux cents cinquante-huit milliards de francs, à développer son programme de distribution de riz subventionné. Le prix du riz flambe depuis plusieurs semaines : + 20 %, jusqu’à 5 000 roupies le kilo.
lundi 14 septembre
Alors que des milliers de salariés des transports publics se sont mis en grève à Medan (Sumatra) pour protester contre la hausse des prix, des centaines d’émeutiers ont mis à sac un centre commercial.
lundi 21 septembre
La Bourse de Jakarta a chuté de 5,45 %.
jeudi 8 octobre
Megawati Sukarnoputri a ouvert le congrès de son parti à Bali malgré les efforts du gouvernement pour empêcher la réunion. un million de sympathisants sont venus de tout le pays. Seuls 50 000 ont pu assister au discours de leur dirigeante.
jeudi 15 octobre
Le ministre indonésien de l’Agriculture a déclaré que l’Indonésie, majoritairement musulman, ne peut être gouverné par un hindou. Ces propos visent l’opposante Megawati Sukarnoputri, musulmane mais d’ascendance hindoue, très populaire à Bali.
samedi 24 octobre
Les Balinais, hindouistes, ont menacé de réclamer leur indépendance si le ministre de l’Agriculture ne démissionne pas.
mercredi 4 novembre
Les neuf pays membres de l’ASEAN ont décidé d’avancer à 2003 la libéralisation totale des investissements intrarégionaux, initialement prévue pour 2010.
jeudi 5 novembre
Soupçonné d’avoir dirigé la répression des manifestations antigouvernementales de mai dernier, qui a fait 1 200 morts, le général Probowo, gendre de Suharto, a fui le pays, a annoncé son frère.
lundi 9 novembre
Le massacre de plusieurs dizaines de personnes a été annoncé à Alas, dans le sud-ouest du Timor-Oriental. En fait, il s’agit d’une rumeurs de faits déformés et démesurément amplifiés.
mardi 10 novembre
Les 1 000 membres du Congrès du peuple se réunissent pendant quatre jours pour poser les bases d’une libéralisation de la politique. Le Congrès devrait avaliser la date des prochaines élections parlementaires et présidentielle, en 1999, et limiter à deux le nombre de mandats présidentiels successifs. Les étudiants, qui doutent de la volonté réelle des congressistes, ont manifesté dans les rues de Jakarta. Ils ont trois revendications principales : le retour de l’armée dans ses casernes, le départ d’Habibie et l’ouverture d’une enquête sur l’enrichissement passé de Suharto et des siens.
mercredi 11 novembre
Des incidents ont éclaté dans le centre de Jakarta où des étudiants manifestaient, pour le deuxième jour consécutive, alors que se poursuivait la session extraordinaire de l’Assemblée constitutive du peuple. Devant la pression des manifestants, l’armée a ouvert le feu, en l’air semble-t-il. On compte pourtant des blessés, mais aucun par balle : une voiture d’étudiant serait entrée dans un cordon militaire et un officier et six soldats ont été hospitalisés. Les étudiants craignent que l’assemblée n’engage pas vraiment la réforme de la vie politique indonésienne.
jeudi 12 novembre
Jakarta s’est enfoncée, à la tombée de la nuit, dans la violence. Les forces de l’ordre ont utilisé leurs armes, des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser des dizaines de milliers de manifestants. Quelque trois morts, et cent blessés ont hospitalisés. Les étudiants ont été rejoints par d’autres couches de la population. Plusieurs cortèges se dirigeaient vers le Parlement lorsqu’ils ont été brutalement repoussés par une charge des forces de l’ordre.
vendredi 13 novembre
Alors que dans la matinée, le général Wiranto, ministre de la Défense et de la Sécurité, avait demandé à la population de reprendre ses occupations, menaçant très clairement d’une réaction extrêmement ferme de ses hommes, les affrontements ont repris quelques heures plus tard à Jakarta, faisant au moins onze morts (dont trois par balles) et des dizaines de blessés. Une fois de plus, Wiranto a fait donner ses troupes contre les étudiants. A vingt-deux heures, l’armée poursuivait son ratissage et prenait position autour de l’université catholique Atmajaya, où se sont réfugiés plus d’une centaine de manifestants. Dans la soirée, l’assemblée consultative s’est séparée après avoir institutionnalisé - par 784 voix contre 123 - le rôle politique de l’armée, ce qui risque de ne pas arranger les choses. L’opposition politique a demandé - en vain - que les travaux de l’assemblée ne soient pas suspendus, craignant d’ouvrir ainsi la voie aux lois d’urgence et à… une junte militaire. Les Etats-Unis ont appelé « les deux parties à faire preuve de retenue… »
samedi 14 novembre
10 000 personnes, étudiants et simples citoyens, se sont rassemblées devant le siège du parlement de Jakarta pour rendre hommage aux morts de la veille. Les manifestants étaient escortés par les troupes de la marine. La présence inattendue de ces troupes d’élite aux côtés des protestataires a alimenté les spéculations sur d’éventuelles disputes au sein des forces armées. Appelée à la rescousse et à la fermeté par le président Habibie, l’armée n’a pu contenir les protestataires. Les pillages se sont poursuivis toute la journée et dans la soirée. Les incidents se sont étendus à l’aéroport international et l’ont rendu inaccessible. Une petite dizaine d’autres villes ont été la proie de pillages ; ainsi que l’aéroport international de Bali. Partout dans le pays, les manifestants réclament la démission du général Wiranto, confirmé quelques heures plus tôt dans ses fonctions par Habibie. Des personnalités, connues pour leur attitude critique envers le pouvoir ont été convoquées et entendues par la police. Dans la soirée, dans un discours télévisé, le président Habibie a choisi la fermeté plutôt que le dialogue avec l’opposition, ce qui présage de nouveaux affrontements.
dimanche 15 novembre
Un calme précaire est revenu à Jakarta. L’armée s’est concentrée sur la protection du palais présidentiel et de quelques bâtiments stratégiques. Certaines rues sont toujours coupées par des barricades.
dimanche 22 novembre
Armés de coutelas, de bâtons et de sagaies faites de bambous acérés, des manifestants se réclamant de l’islam ont attaqué deux églises chrétiennes de Jakarta. Au moins six chrétiens ont été tués. L’église Christus Katapang de Kota, la vieille ville chinoise, a été dévastée. Cinq catholiques y ont été lynchés à mort par une foule en colère. Un peu plus tard, un autre catholique dont s’était emparé un groupe de musulmans a été jeté en pâture à la foule qui s’est acharné sur son cadavre. A l’origine de cette colère la rumeur, non fondée mais relayée par la télévision d’Etat, de l’attaque d’une mosquée. La minorité chinoise est majoritairement chrétienne en Indonésie.
lundi 23 novembre
Porte-parole de l’armée, Syamsul Maarif, a annoncé que quatre officiers passeront en conseil de guerre pour avoir passé à tabac des journalistes.
mardi 24 novembre
La situation reste tendue à Jakarta où plusieurs milliers d’étudiants ont à nouveau manifesté pour réclamer des réformes démocratiques. Le centre de la capitale était placé sous l’étroite surveillance de l’armée. Depuis la mi-novembre, les affrontements entre policiers et musulmans mais aussi entre musulmans et chrétiens ont fait plus de trente morts et quelque cinq cents blessés. On parle également d’assassinat de personnalités musulmanes modérées dans le centre et l’est de Java. Commandant la police militaire, le général Djasri Marin a révélé que cent soixante-trois militaires ont été emprisonnés après la répression des manifestations étudiantes qui, le 13 novembre, s’étaient soldées par quinze morts et plus de quatre cents blessés. Les autopsies des victimes ont révélé que certains éléments des forces de l’ordre, ce jour-là, ont utilisé des munitions de guerre, contrairement aux ordres exprès du ministre de la Défense et chef de l’armée, le général Wiranto. Le président Habibie a renouvelé sa confiance à ce dernier.
En apprenant l’assassinat de plus de quarante Timorais par les troupes indonésiennes depuis le début du mois, plus de 2 000 jeunes Timorais ont manifesté et occupé le bâtiment du gouvernement de la province.
vendredi 27 novembre
Scènes d’émeute dans le nord de Sumatra, à Tarutung.
lundi 30 novembre
Des milliers de Chinois qui manifestaient pour protester contre la destruction de vingt-deux églises catholiques ont mis le feu à quatre mosquées et à plusieurs lieux de prière islamique, dans la ville de Kupang, dans la partie occidentale de l’île de Timor.
lundi 2 décembre
Certains dirigeants du Golkhar (parti au pouvoir) dont l’ancien vice-président du pays, Try Sutrisno, ont décidé de fonder un nouveau parti. Ils se démarquent ainsi du président Habibie.
mardi 3 décembre
Le président Habibie a fait savoir qu’il a ordonné l’ouverture d’une enquête sur l’ancien président Suharto, « soupçonné de corruption, collusion et népotisme ». Il a aussi annoncé que des élections générales auront lieu le 7 juin et que l’Assemblée consultative du peuple se réunira le 29 août. Le président cède enfin aux principales revendications de l’opposition. Le scepticisme reste cependant de mise dans la population qui ne voit là, pour l’instant, que des promesses destinées à gagner du temps (il y a déjà une enquête en cours concernant Suharto, ouverte en août, qui n’a pas donné grand chose).
mercredi 4 décembre
Suharto a déclaré qu’il était « prêt à répondre aux questions du procureur général » chargé d’enquêter sur sa fortune.
lundi 9 décembre
Suharto a été interrogé pendant près de quatre heures par les services du procureur général au sujet de son enrichissement personnel et de sa possible corruption.
vendredi 13 décembre
Le prix Nobel de la paix José Ramos Horta estime que, comme Pinochet, Suharto doit être jugé pour crime contre l’humanité.
mardi 17 décembre
Les militaires et les policiers indonésiens ont ouvert le feu pour disperser des milliers de manifestants massés près du Parlement pour réclamer des réformes démocratiques.
jeudi 19 décembre
Une foule d’un millier de personnes a attaqué à cous de pierres trois églises, une école catholique, une clinique et de nombreuses habitations, à Jakarta, au début du ramadan. Ces émeutes seraient liées aux frappes américaines sur l’Irak.